(Togo First) - Le secteur de l'énergie au Togo, moteur essentiel du développement économique, est à une phase de transition. Entre défis d'approvisionnement, initiatives de diversification des sources énergétiques et ambitions d’électrification rurale, le pays met en place des réformes stratégiques pour répondre à la demande croissante d'énergie et favoriser une croissance durable.
Avec un taux de desserte avoisinant les 70%, le Togo poursuit son objectif de fournir un accès universel à l’électricité d'ici à 2030, en diversifiant ses sources d’énergie. Entre la modernisation des infrastructures existantes, la construction de nouvelles centrales et le développement des énergies renouvelables, le pays multiplie les initiatives afin de réduire les délestages et consolider les acquis afin d’offrir un cadre propice à l’industrialisation. Parallèlement, le Togo s'efforce de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis des importations et de renforcer l'autosuffisance énergétique, notamment en s'orientant vers des solutions durables.
Infrastructures et initiatives dans le secteur énergétique
Le secteur énergétique du Togo a connu une évolution significative grâce à la mise en place de plusieurs infrastructures clés. Parmi celles-ci, la centrale thermique Contour Global, opérationnalisée en 2010 avec une capacité installée de 100 MW. L'infrastructure fonctionne avec du fuel HFO, du gasoil et du gaz naturel alimenté via le Gazoduc de la Société de Gazoduc Ouest Africain (SGOA) depuis 2019.
La centrale Kekeli Efficient Power, lancée en 2021, a également apporté une contribution à l'augmentation de la capacité de production énergétique du Togo. Cette infrastructure énergétique, d’une capacité extensible de 65 MW, a nécessité un investissement de 85 milliards de FCFA. Elle devrait produire à terme annuellement 532 GWhs, pour plus de 250.000 foyers togolais. Cette infrastructure augmente de 50% la capacité de production électrique du Togo.
Pour renforcer la production d’énergie propre, plusieurs nouveaux projets ont été lancés. La centrale solaire de Blitta, inaugurée en 2021, a une capacité de 50 MW et alimente environ 158.000 foyers. Une seconde phase d’extension de cette centrale est prévue, permettant d'augmenter sa capacité de 20 MW, afin de soutenir davantage le chantier de la transition énergétique. Par ailleurs, de nouvelles centrales solaires sont en développement à Dapaong, Kara et Sokodé, avec des capacités respectives de 25 MW, 40 MW et 64 MW.
Des partenariats stratégiques pour une transition énergétique réussie
En 2024, lors du sommet sur la coopération énergétique en Afrique de l’Ouest, le Togo a conclu deux accords majeurs avec Haier et RELP, marquant une étape importante dans le renforcement de son secteur énergétique.
Le premier accord, signé avec Haier, porte sur le développement et la fourniture de solutions photovoltaïques de grande capacité. Ce partenariat vise à déployer des installations solaires à grande échelle et des systèmes modulaires adaptés aux besoins des zones urbaines et rurales. Haier s'engage également à former des techniciens locaux pour assurer la maintenance des équipements.
Le second accord, conclu avec RELP (Renewable Energy Logistics Partnership), se concentre sur le développement de solutions de stockage d’énergie solaire. Ce partenariat vise à intégrer des batteries de nouvelle génération dans les infrastructures solaires existantes et futures, afin d’améliorer la gestion de l’énergie produite et de garantir une disponibilité continue, même en période de faible ensoleillement. Ces collaborations s’inscrivent dans l’ambition nationale d’atteindre 50 % de part du renouvelable dans le mix énergétique d’ici à 2030.
Également, le Togo a franchi une étape significative en matière de diversification énergétique en signant un accord avec la société américaine Nano Nuclear Energy pour la production d'électricité à partir de micro réacteurs nucléaires.
Selon les termes de l'accord, Nano Nuclear Energy se chargera de la conception, de la construction et de l'installation des micro réacteurs au Togo, avec une première phase d'évaluation des sites potentiels pour accueillir ces infrastructures. Ces unités permettront une production continue d’électricité, indépendamment des conditions climatiques, et renforceront ainsi la stabilité du réseau énergétique national, en particulier dans les zones où les énergies renouvelables peuvent être intermittentes.
Dans le but d'encadrer cette nouvelle orientation, le pays s’est doté d’une Commission de l'énergie atomique (TAEC), chargée de superviser l'utilisation pacifique des technologies nucléaires.
Pour accompagner ces efforts, le Togo bénéficie de divers appuis notamment de celui de la Banque mondiale qui a approuvé un financement de 200 millions de dollars en sa faveur. Ce fonds soutiendra non seulement les réformes énergétiques, comme l’opérationnalisation d’une nouvelle structure tarifaire, mais aussi le développement d’une agriculture durable et des mesures d’adaptation au changement climatique.
Initiatives hors réseau (off grid)
Sous l’égide de l’Agence Togolaise d'Électrification Rurale et des Énergies Renouvelables (AT2ER), le Togo mène plusieurs actions pour démocratiser l’accès à l’électricité en milieu rural. Parmi ces initiatives, le programme d’électrification de 317 localités par des mini-réseaux solaires lancé en 2023. Le projet Cizo, démarré en 2017, vise à fournir des kits solaires individuels à 300.000 foyers, permettant de couvrir plus de 2 millions de personnes. Ce projet est mis en œuvre avec des partenaires comme BBOXX, EDF, et Sun King. En outre, le gouvernement a déployé un projet d’implantation de 50.000 lampadaires solaires intelligents pour améliorer l’éclairage public dans les zones rurales.
Le Fonds Tinga, opérationnel depuis 2022, permet aux ménages défavorisés de se connecter au réseau électrique moyennant un paiement mensuel de 1000 FCFA, sur une période pouvant aller de 4 à 10 ans. Depuis son lancement, le programme a permis de raccorder près de 42.000 foyers, soit près de 300.000 personnes.
Des défis persistants
Malgré ces avancées, le Togo, comme le reste des pays de la sous-région, fait face à d’importants défis énergétiques. La maintenance des infrastructures reste un enjeu important. Selon une note d’information de la Banque africaine de développement (BAD) publiée en 2015, les pertes totales dans le réseau de distribution atteignent 37 %, dont 20 % sont des pertes techniques liées à l’état vieillissant des infrastructures, et 17 %, des pertes commerciales dues principalement à des factures impayées. Ces pertes significatives impactent directement la rentabilité et la fiabilité du système énergétique national.
Le coût d’accès à l’électricité ou aux équipements solaires demeure également un obstacle majeur pour de nombreux ménages. En dépit des efforts du gouvernement, notamment à travers des initiatives comme le Fonds Tinga, de nombreux foyers ruraux n’ont toujours pas accès à une source d’énergie moderne, freinant ainsi leur développement économique et social.
Par ailleurs, la dépendance partielle du pays aux importations d’énergie souligne la nécessité de renforcer les capacités locales de production. Cette situation est aggravée par les effets du changement climatique, qui perturbent la disponibilité des ressources hydrauliques utilisées pour la production énergétique.
Ces défis exigent des investissements substantiels dans les infrastructures, une gestion plus rigoureuse des réseaux de distribution et une diversification des sources d’énergie pour garantir un accès plus équitable et durable à l’énergie sur l’ensemble du territoire.
Gautier Agbekodovi