Le Togo en pleine mutation vers un hub logistique de référence

Panorama Infrastructures
mercredi, 29 janvier 2025 06:11
Le Togo en pleine mutation vers un hub logistique de référence

(Togo First) - Depuis plusieurs années, le Togo nourrit l’ambition de devenir un hub logistique de premier plan en Afrique de l’Ouest. Cette ambition repose sur un vaste programme de modernisation de ses infrastructures, qui s'étendent aux routes, au port de Lomé et à des initiatives de développement de l’aéroport. Ce chantier, où s’imbriquent des travaux de réhabilitation et de nouveaux projets, devrait à terme améliorer la compétitivité du pays au plan régional et attirer davantage d’investissements étrangers.

Le Togo dispose d’un réseau routier qui s’étend sur 11 777 kilomètres, dont 2101 kilomètres de routes nationales revêtues et 1473 kilomètres de voiries urbaines. À ces infrastructures s’ajoutent 1294 kilomètres de routes nationales non bitumées et 6802 kilomètres de pistes rurales, essentielles pour désenclaver les zones éloignées.

Le pays est aussi traversé par trois corridors routiers sous-régionaux qui jouent un rôle central dans ses échanges commerciaux avec ses voisins. Le corridor économique, Lomé-Ouagadougou-Niamey, traversant le pays sur 746 kilomètres, constitue l’axe principal. Le corridor Lomé-Hillacondji, et l’axe Abidjan-Lagos, sont les deux autres.

Au rang des atouts, le Togo dispose du port de Lomé inauguré en 1968, qui occupe une place centrale dans le développement de son économie, grâce à sa position stratégique. Cette plateforme portuaire étant la seule en eau profonde de la côte ouest-africaine et pouvant accueillir des navires de troisième génération.  Pour booster sa capacité de traitement de transbordement, depuis 2013, des investissements majeurs ont été effectués, avec notamment la construction de Lomé Container Terminal (LCT), financée à hauteur de 225 millions d’euros par un consortium international mené par la Société financière internationale (SFI). En 2014, le groupe Bolloré a investi 300 milliards FCFA dans un projet de troisième quai de 450 mètres, capable de recevoir jusqu’à 7000 conteneurs de 20 pieds.

Ces travaux ont permis à l'espace logistique d’enregistrer une croissance de son trafic. Ainsi, en 2023, le port a enregistré un volume de 1,9 million d’EVP (équivalents vingt pieds), contre 311 500 EVP en 2013, se classant au 94e rang mondial. La même année, le port a manutentionné plus de 30 millions de tonnes de marchandises.

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Pour accompagner le développement de son réseau portuaire et désengorger le port autonome de Lomé, le Togo s’appuie sur le port sec de la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA), opérationnel depuis janvier 2022.

S’étendant sur 20 hectares, cette infrastructure peut accueillir jusqu’à 12 500 conteneurs et joue un rôle stratégique de facilitation du transit des marchandises vers les pays enclavés desservis par le port de Lomé. Située à 27 kilomètres au nord de la capitale, le long du corridor Lomé-Ouagadougou-Niamey, elle dispose également d’un parking dont la capacité d’accueil est d’environ 800 camions.

Ce port sec remplit plusieurs fonctions : il sert de relais pour les conteneurs en attente de transport, offre une zone de stationnement dédiée aux véhicules de fret et constitue une plateforme de manutention et de transbordement pour les marchandises. En 2022, il a traité 7339 conteneurs et 6364 camions. Cette activité a pris une nouvelle dimension en 2024 avec l’arrivée de grandes compagnies maritimes internationales telles que MSC, MAERSK, CMA CGM, PIL et ONE. Leur présence renforce la vocation de cette infrastructure à devenir un maillon clé de la chaîne logistique régionale.

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Sur le front aérien, le Togo mise sur l’aéroport international Gnassingbé Eyadema (AIGE) pour soutenir sa stratégie d’ouverture au monde. Principal aéroport du pays, il couvre une superficie de 413 hectares et a connu une série de travaux de rénovation avec à la clé, l’inauguration en 2016 d’une nouvelle aérogare conforme aux standards internationaux.

Desservi par des compagnies comme Ethiopian Airlines, Air France, Brussels Airlines et ASKY, l’aéroport a vu son trafic de passagers atteindre 1,4 million en 2023, et compte atteindre 1,5 million d’ici à la fin 2025.

Le développement de nouvelles liaisons aériennes par ASKY, notamment entre Lomé et plusieurs capitales africaines, a contribué à cette dynamique. Ethiopian Airlines, qui a établi un hub régional à Lomé, a récemment ouvert une liaison directe vers Houston, consolidant la position de la plateforme aéroportuaire comme un point stratégique en Afrique de l’Ouest.

La progression du trafic a également impacté les recettes non fiscales de l’aéroport qui ont atteint 12,38 milliards FCFA au premier trimestre 2024, contre 4,90 milliards pour la même période en 2023.

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Redynamisation du réseau routier

Dans le contexte de développement du réseau routier, le gouvernement togolais a lancé de nombreux projets de construction et de réhabilitation. Parmi eux, la modernisation de la route nationale n°5, reliant Lomé à Kpalimé sur 120 kilomètres. Ce projet, qui inclut également des travaux connexes dans la ville de Kpalimé, mobilise un investissement de 214 milliards FCFA.

Parallèlement, d’autres chantiers sont en cours, à l’image de la route Sokodé-Bassar, longue de 75 kilomètres, pour un financement de 35 milliards FCFA. En janvier 2025, les travaux de contournement de Sokodé ont également débuté, représentant un investissement global de 24 milliards FCFA.

Le gouvernement projette en outre de dédoubler la voie nationale n°1, un axe important pour le pays, pour un montant estimé à 620 millions de dollars. Avec l’appui de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), des travaux de revêtement sont aussi prévus sur la route nationale n°17, reliant Katchamba à Sadori.

Pour assurer l’entretien des routes, il a été créé en mars 2012, la Société Autonome de Financement de l’Entretien Routier (SAFER). Cette structure mobilise des ressources à travers les postes de péage installés notamment à l’entrée des villes. Le linéaire couvert par les opérations de la SAFER est en constante augmentation. De 900 km en 2012, il est passé à 1335 km en 2014 et à 2194 km en 2017 avant de chuter à 1 523 km pour le compte de l’année 2018.

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Rendre le Port de Lomé plus compétitif

Pour renforcer la compétitivité sur la plateforme portuaire, de nouveaux investissements sont annoncés. Le groupe MSC, présent via sa filiale Terminal Investment Ltd, a annoncé en 2019 un plan d’investissement de 500 millions d’euros, visant à porter le trafic annuel à 4 millions d’EVP.

Par ailleurs, un ambitieux projet de chemin de fer reliant Lomé à Cinkassé est envisagé, visant à accélérer le transport des conteneurs vers les pays sahéliens et à soutenir la logistique régionale.

Par ailleurs, le pays prévoit de dématérialiser les prestations de services au port autonome de Lomé. Dans cette dynamique, il est lancé depuis août 2024, la plateforme de dématérialisation totale offrant des fonctionnalités comme les Déclarations et Paiements en ligne, le suivi des Expéditions, l’accès aux Informations (procédures portuaires, tarifs, réglementations), un espace collaboratif.

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Renforcer la capacité de l’Aéroport de Lomé

Pour accompagner la croissance de l’aéroport de Lomé, un projet d’extension est annoncé. Il prévoit l’augmentation du nombre de portes d’embarquement de 10 à 12, l’ajout de 500 places dans les salles d’attente et une capacité de trafic portée à 2 millions de passagers par an.

Ces aménagements visent à optimiser le traitement des passagers et à renforcer les normes de sécurité et de sûreté. Un hôtel, destiné à accueillir les passagers en transit, sera également intégré au complexe aéroportuaire.

Le second aéroport du pays, situé à Niamtougou, joue un rôle différent. Actuellement dédié principalement aux vols privés de fret, il enregistre d’importants travaux visant à en faire une plateforme logistique de référence, notamment pour le trafic cargo à destination des pays de l’hinterland. Situé à 450 kilomètres de Lomé, il est appelé à devenir un maillon essentiel dans la stratégie de développement des infrastructures aéroportuaires du Togo.

Dans cette perspective, il devrait connaître des travaux de réhabilitation. Le chantier va consister à rallonger la piste de la plateforme, de 2500 mètres à 3000 mètres, à la clôture du périmètre et à la sécurisation de l’aérogare.  Un investissement de 2,2 milliards FCFA est prévu à cet effet.

Face à ses défis

Le Togo, conforté par sa position stratégique en Afrique de l’Ouest, qui lui confère des atouts alors qu’il met les bouchées doubles pour devenir un hub logistique de référence dans la sous-région, se trouve toutefois confronté à des défis. Notamment en termes de renforcement de ses infrastructures de transport et de réponse aux exigences croissantes des échanges commerciaux, avec les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), en l’occurrence.

L’état de dégradation de la route nationale 1 (RN1) reliant Lomé à l’hinterland représente un frein majeur à la compétitivité logistique du pays. Son dédoublement apparaît aujourd’hui comme une nécessité pour désengorger le trafic et sécuriser les flux commerciaux. Ce projet nécessite un financement de 620 millions $.

Le port de Lomé, pilier de l’économie nationale, se positionne comme un point de transit incontournable pour les pays enclavés du Sahel, tels que le Burkina Faso, le Niger et le Mali regroupés au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), devrait moderniser ses infrastructures logistiques. L’élargissement des corridors, la création de plateformes logistiques et l’amélioration des postes frontaliers apparaissent comme des leviers prioritaires. Une coordination centralisée pourrait également optimiser la gestion des flux commerciaux.

Dans cette perspective, le développement du réseau ferroviaire prend une importance accrue. Ce mode de transport, soutenu par des partenaires comme la Banque africaine de développement (BAD), offre une alternative durable pour réduire la pression sur les routes et améliorer la compétitivité des corridors régionaux.

Parallèlement, la réalisation de projets structurants, à l’image de la construction d’un port sec à Cinkassé, pourrait permettre de désengorger le port de Lomé et fluidifier les échanges avec le Sahel. Ce port sec devrait également renforcer l’efficacité logistique et réduire les délais de transit, en particulier pour les marchandises à destination des États sahéliens.

Dans le même temps, l’urbanisation croissante du Grand Lomé pose un autre défi : celui de l’amélioration des infrastructures urbaines et des zones industrielles afin d’absorber l’augmentation des flux économiques et la mobilité liée aux échanges régionaux.

Enfin, la digitalisation constitue un atout clé pour moderniser les opérations portuaires et routières. Elle permettra de mieux gérer les volumes croissants de marchandises, tout en garantissant une transparence des transactions.

Esaïe Edoh

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