Au Togo, seul le « Glyphosate non homologué » est interdit

Agro
samedi, 08 septembre 2018 08:50
Au Togo, seul le « Glyphosate non homologué » est interdit

(Togo First) - Le Vendredi 10 août 2018, après un mois d’une intense bataille judiciaire et trois jours de délibérations, un jury de San Francisco condamnait le géant américain de l’agrochimie, Monsanto, à payer 289 millions $ à Dewayne Johnson. Ce jardinier californien de 46 ans, atteint d’un cancer incurable en phase terminale, avait mis la puissante firme sur le banc des accusés en 2016, l’accusant d’être à l’origine de sa maladie, après avoir utilisé quotidiennement pendant 3 ans, son désherbant Roundup, dont le principe actif est le Glyphosate.

Depuis 2015, le produit fait l’objet de houleux débats et de nombreuses évaluations. A l’annonce de l’OMS (l’Organisation Mondiale de la Santé) qui déclare le Glyphosate « cancérigène probable », les agences sanitaires et chimiques européennes déplorent une mauvaise catégorisation des effets du produit par l’instance onusienne en charge de la santé.

Toujours est-il que le verdict de ce procès, inédit en son genre, a une telle résonance, que l’utilisation du Glyphosate est remise en cause aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique du Sud, où des mesures diverses sont prises, soit pour réguler son usage, soit pour l’interdire.

Au Togo c’est finalement « le Glyphosate non-homologué » qui est interdit

Au Togo où le Glyphosate est abondamment utilisé par les agriculteurs, l’affaire fait couler beaucoup d’encre et de salive. Et pour cause, les polémiques entourant ce produit en Occident et, depuis peu, partout en Afrique, se sont amplifiées au point que le gouvernement togolais a décidé de prendre des mesures.

Elles commencent par l’interdiction en avril 2018, de l’importation de l’herbicide Total et de tout autre herbicide sans une autorisation préalable et un agrément délivré en bonne et due forme par l’Etat. « L’introduction sur le territoire de tout pesticide est subordonnée à l’obtention d’agrément professionnel et d’autorisation d’importation, sous réserve que la matière soit homologuée conformément à la réglementation phytosanitaire au Togo », a annoncé le ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Ouro-Koura Agadazi, à travers un communiqué.  

Mais quid du Glyphosate ? A ce propos, le communiqué poursuit : « Dans le souci de préserver non seulement l’environnement mais aussi la santé humaine et animale, il est formellement interdit d’importer et de commercialiser les pesticides non homologués notamment le Glyphosate sur l’ensemble du territoire conformément à la loi N° 96-007/PR du 03 juillet 1996 ».

La note informative annonce par ailleurs des « contrôles inopinés sur toute l’étendue du territoire » et surtout au niveau des postes de contrôle phytosanitaires, pour vérifier l’effectivité des mesures. Le ministre Oura-Koura Agadazi a prévenu : « tout contrevenant à ces dispositions s’expose à la rigueur de la loi en vigueur au Togo ».

Pourtant, le flou persiste pour beaucoup. Dans la zone portuaire togolaise, comme le rapporte le site d’informations agricoles agridigitale.net, maraîchers et producteurs utilisent toujours le Glyphosate, ignorant tout d’une quelconque interdiction.

Le Glyphosate est-il finalement interdit au Togo ?

Si, à la lecture du communiqué de l’autorité en charge de l’agriculture, il apparaît clair que l’importation, la commercialisation voire l’utilisation de ce produit sont prohibées, pour Atsou Tagba, le Directeur de la Protection Végétale (DPV), toujours selon le site spécialisé dans l’actualité numérique agricole, cette lecture ne serait pas exacte. « Au Togo, c’est le Glyphosate non homologué qui est interdit tout comme les autres pesticides non homologués. Si non, le Glyphosate homologué n’est pas interdit au Togo », déclare-t-il, pointant une mauvaise compréhension du communiqué officiel.

De son côté, le Dr Kossi Kpemoua de l’institut Togolais de recherche agonomique (ITRA), pense qu’ « il  faudrait que la science puisse  clairement clarifier quel est le niveau de danger que cela peut présenter ». Et d’ajouter, « donc pour l’instant, on l’utilise ». Toutefois, il tient à rassurer : le « Togo intensifie les recherches sur l’herbicide à polémique et l’opinion sera bientôt située sur les résultats de ses recherches ».  

Le Glyphosate ou le cadeau empoisonné racheté par Bayer

Molécule chimique, aux puissantes propriétés herbicides, le Glyphosate est breveté, fabriqué et commercialisé dans le monde depuis 1974, sous la marque Roundup et Ranger Pro, sa version professionnelle plus concentrée, par la multinationale américaine Monsanto. Cette dernière a été rachetée en juin 2018, par le géant allemand agrochimique Bayer pour 62,5 milliards $.

Le Glyphosate, c’est tout simplement le désherbant le plus vendu au monde, avec près de 720 000 tonnes écoulées chaque année, soit 25% du marché mondial. Seul, il est peu efficace ; aussi les industriels y ajoutent d’autres molécules chimiques pour le rendre plus létal et facilitent son absorption par les plantes. Il tue toutes les plantes excepté celles qui ont été génétiquement modifiées pour lui résister, ce qui explique son abondante utilisation dans les immenses plantations de maïs, de soja ou encore de tournesol.

Si aujourd’hui, l’herbicide dont l’utilisation de plus de 40 ans se retrouve à la barre des accusés, c’est également le puissant groupe allemand, plus connu dans le monde de la pharmacie, qui se retrouve dans une situation dont elle se serait bien passée.

En effet, Monsanto est aujourd’hui confronté à plus de 8000 procédures similaires à l’affaire Dewayne Johnson,  enregistrées aux Etats-Unis, mais également en France, au Brésil.

En Europe, il a bénéficié, grâce à un vote au parlement européen, d’un sursis de 5 ans, mais rien ne lui semble définitivement acquis.

 Octave A. Bruce

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