Noel Bataka: « Par effet de levier, le Mifa va amener les banques à injecter plus de 650 milliards FCFA dans le secteur agricole, d’ici 10 ans »

Agro
mardi, 23 octobre 2018 08:55
Noel Bataka: « Par effet de levier, le Mifa va amener les banques à injecter plus de 650 milliards FCFA dans le secteur agricole, d’ici 10 ans »

(Togo First) - Lancé le 25 juin dernier par Faure Gnassingbé, le Mifa est l’une des initiatives phares du Plan national de développement. Noël  Bataka, le coordonnateur chargé des chaînes de valeurs du MIFA en explique les tenants et les aboutissants

Togo First : C’est quoi le MIFA, pour les nuls ?

Noël Bataka (NoB) : Le Mifa, Mécanisme Incitatif de Financement Agricole, fondé sur le partage des risques, est un instrument mis en place par le gouvernement pour apporter des solutions concrètes aux acteurs et chaînes de valeur agricole. Le financement consiste à structurer le marché, organiser les différents acteurs le long des chaines de valeur dans les différents maillons, pour leur permettre de bénéficier des financements nécessaires, afin de fournir des produits en quantité et en qualité à des marchés structurés. Le Mifa apporte des réponses structurelles aux risques et différentes contraintes que les acteurs ont dans leurs activités agricoles et financières.

Togo First : Comment bénéficier du MIFA en tant qu’agriculteur et acteur de la chaîne agricole?

NoB : Il y a 4 catégories d’acteurs. Les premiers, les agrégateurs sont constitués des structures d’achat, de transformation, de consommation et de commercialisation de produits agricoles, aussi bien, au niveau national qu’international. En tant qu’acteur de cette catégorie, si vous avez un besoin en matières premières ciblées actuellement, qui sont le riz, le maïs ou le manioc, vous formulez la quantité recherchée et ses spécifications techniques, et le mécanisme vous met en relation avec des agriculteurs.

D’un autre côté, si vous n’avez pas de financement pour l’achat ou la transformation et que vous avez des garanties de marché, de commercialisation et d’écoulement avec des contrats fermes, le Mifa peut également vous accompagner auprès des Banques.

De la même façon, si vous êtes transformateur ou logisticien, le mécanisme peut vous appuyer tant que vous avez un contrat ferme. Et pour cela, vous devez présenter les preuves de ce marché, les garanties d’écoulement et de transport.

En ce qui concerne les agriculteurs qui sont la troisième catégorie d’acteurs, le Mifa les aide à s’organiser en groupement solidaires et ensuite en coopératives avec une évaluation plus précise de leurs besoins en intrants, en main d’œuvre, en mécanisation et en équipement agricole. L’objectif est de leur permettre de produire en quantité et en qualité, les produits que le marché ou un agrégateur aurait commandés. C’est ce contrat de marché qui est l’élément déclencheur de l’organisation des producteurs en vue de répondre à cette demande.

A partir de ce moment, les agriculteurs vont identifier des prestataires de services pour leurs fournisseurs qui constituent la 4ème catégorie d’acteurs. L’approvisionnement en intrants ou les prestations de services de ces derniers seront payées directement à partir d’un crédit initié par les banques.

Autour de ces 4 catégories d’acteurs, on a d’autres intervenants que constituent les assurances. Le rôle principal de l’assurance est d’apporter un produit spécifique pour couvrir le risque de sécheresse que connaît actuellement le secteur. Mais, elle couvre également, les maladies et les risques individuels des agriculteurs.

Outre les assurances, il y a les Banques. Et cela va de soi. Les banques ont pour principale mission, aussi bien le financement des agriculteurs que des autres maillons le long des chaînes de valeur agricole.

Togo First : ... Concrètement, quel est le contenu de cet accompagnement?

NoB : Le Mifa comme nous l’avons dit tantôt, identifie un acheteur, un acteur de marché, le met en relation avec les agriculteurs et accompagne toute la chaîne en ce qui concerne l’accès au crédit.

Par ailleurs, assiste-t-il techniquement les agriculteurs pour les amener à suivre les itinéraires techniques les plus adaptés, dans le but d’améliorer leur rendement.

Enfin, le Mifa accompagne les banques dans l’identification et la caractérisation des besoins du secteur agricole afin de mettre en place des produits financiers les plus innovants et les plus adaptés.

Togo First : En parlant des produits financiers, quels sont les instruments financiers que vous envisagez de mettre en place pour atteindre cet objectif qui est de relever le niveau de financement du secteur agricole.

NoB : L’ambition du gouvernement est d’amener le secteur bancaire à consacrer au moins 5% de son portefeuille de crédits au secteur agricole. En 2017 par exemple, les banques et le système de financement décentralisé n’allouaient au secteur que 0,2% de leur portefeuille de crédit. Pour renverser cette tendance, le mécanisme entend accompagner ces intermédiaires pour qu’ils mettent en place, des crédits de la manière la plus efficace possible.

Ce crédit est issu d’une évaluation que le mécanisme accompagne. Donc c’est du financement, mais à partir d’une caractérisation de besoins beaucoup plus affinés et beaucoup plus précis pour le banquier. Ce sont aussi des plans d’affaires que les banquiers financent et non juste des déclarations.

Enfin, le mécanisme de financement se fait en boucle, ce qui évite au maximum la manipulation de la liquidité. Ce qui fait que l’agriculteur, le transformateur ou même le logisticien, ne fait que faire payer le banquier pour les différentes prestations et acquisitions qu’il aura à faire, sans pouvoir affecter la liquidité reçue à d’autres projets personnels.

Togo First : On parle de 100 millions d'euros d’investissement à terme. Comment comptez-vous mobiliser ces fonds?

NoB : Ces 100 millions d'euros constituent en fait, un fonds d’amorçage. Qu’est-ce que cela signifie en réalité ? L’Etat, avec ses partenaires, va constituer un panier commun dans lequel, aussi bien les ressources publiques que les ressources privées vont être déposées. Ces ressources vont servir à amener les banques, par effet de levier, à financer par elles-mêmes le secteur agricole à travers des effets multiplicateurs allant de 5 à 10%. L’Etat, avec ses partenaires, en faisant le dépôt de ces 100 millions d’euros (65 milliards FCFA) que le Chef d’Etat a annoncé dans son discours du 27 avril, va amener les banques à financer le secteur agricole, sur leurs propres ressources jusqu’à 1 milliard d’euros, soit 650 milliards de FCFA d’ici 10 ans.

Togo First : Quel rôle le Mifa jouera-t-il dans le Plan national de Développement (PND) ?

NoB : L’axe 2 du Plan national de développement du Togo, focalise les investissements sur la transformation manufacturière et agricole.

Et parmi les instruments phares de cet axe 2, nous avons la mise en œuvre des agropoles et du Mifa. Il s’agit de faire en sorte que le mécanisme facilite l’accès au crédit et au financement pour les acteurs le long des chaînes de valeur, pour qu’ils développent les entreprises manufacturières, de production et de transformation à travers les agropoles.

Ainsi, le Mifa est une facilité que l’Etat met en place pour les opérateurs économiques privés afin de les aider à développer les chaînes de valeur agricoles, tel que prévu dans l’Axe 2 du Pnd.

Togo First : Après la phase pilote qui cible les filières riz, maïs et manioc, quelles seront les prochaines cultures ?

NoB : Pour bien maîtriser l’approche et stabiliser les outils (parce que le mécanisme fonctionne essentiellement sur la base de contrats et d’un certain nombre d’autres instruments), il est évident qu’il faut partir d’une phase assez simple. C’est pour cela que la phase pilote porte sur 3 filières : maïs, riz et manioc.

Après la stabilisation et les leçons qui seront tirées de cette phase pilote, le mécanisme va être étendu à 7 catégories de produits. Nous tablons sur des productions végétales, animales et halieutiques, à travers les cultures telles que les céréales, les tubercules, les racines, les oléagineux, les légumineux mais aussi l’élevage, notamment l’élevage de poulets, et aussi et surtout, les cultures de rente qui vont servir à apporter des devises mais aussi à améliorer notre balance commerciale.

Ce sont des cultures telles que l’ananas, le café, le cacao, le coton, le soja et l’anacarde, seront couvertes par le déploiement du mécanisme à partir de 2019.     

Propos recueillis par Fiacre E. Kakpo

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