À Lomé, les banquiers de la place togolaise échangent sur la gestion des risques dans l’Uemoa

Banque
mercredi, 16 octobre 2024 08:38
À Lomé, les banquiers de la place togolaise échangent sur la gestion des risques dans l’Uemoa

(Togo First) - Samedi 12 octobre dernier, les banquiers et spécialistes de la finance de la place togolaise se sont réunis à Lomé pour un rendez-vous d’échanges baptisé « Loft du week-end », consacré à la gestion des risques bancaires. Cet atelier, organisé dans un hôtel à Baguida, a été animé par Khalid Yacoubou-Boukari, Responsable des Engagements à IB Bank Togo et consultant spécialiste en gestion des risques. À travers cet événement, les participants ont pu approfondir leur compréhension des dispositifs régulant la gestion des risques, en particulier ceux contenus dans la Circulaire N°04-2017/CB/C, un texte central dans l’arsenal réglementaire de l’UEMOA.

La gestion des risques, une priorité réglementaire

La Circulaire N°04-2017/CB/C, publiée par la Commission bancaire de l’UEMOA, impose des standards rigoureux aux établissements de crédit et compagnies financières opérant dans la zone. L’objectif de ce cadre réglementaire est de renforcer la résilience des institutions financières face aux risques croissants auxquels elles sont confrontées dans un contexte économique mondial marqué par l'incertitude.

Khalid Yacoubou-Boukari a présenté de manière détaillée les principales dispositions de cette circulaire. Parmi celles-ci, la nécessité pour chaque institution de mettre en place un dispositif de gestion des risques couvrant les quatre grands domaines suivants : le crédit, le marché, la liquidité et le risque opérationnel. « Les organes de gouvernance doivent jouer un rôle de premier plan en définissant une stratégie claire en matière de gestion des risques, appuyée par une politique d'appétence au risque et des limites opérationnelles strictes », a expliqué l’expert.

La circulaire impose également aux établissements financiers de l’UEMOA de se doter de systèmes de gestion des risques indépendants, suffisamment outillés en ressources humaines et techniques, pour une surveillance efficace des différents risques auxquels ils sont exposés. « Ce cadre repose sur une approche holistique, où la gestion des risques est une composante transversale, liée à toutes les opérations de la banque », a-t-il indiqué.

Cartographie des risques et appétence au risque

L'un des points majeurs abordés lors de l’atelier est l’exigence de la cartographie des risques, un document que chaque banque doit régulièrement actualiser. Selon la circulaire, cette cartographie doit inclure une identification claire des principaux risques encourus par l'institution, classés par secteur d'activité et par zone géographique, et validée par les organes de gouvernance au moins une fois par an. La mise à jour régulière de cette cartographie permet de garantir que les risques émergents sont identifiés en temps réel et intégrés dans le système de gestion des risques de l’établissement, détaille le formateur passé notamment par la BOA Togo.

Il a aussi insisté sur la politique d'appétence au risque, un document essentiel qui définit les limites globales et opérationnelles de risque que l'institution est prête à accepter. Il s'agit notamment des seuils de tolérance en matière de crédits, de concentration des engagements ou encore des transactions hors bilan. « Toute infraction à ces limites doit faire l'objet d'une remontée immédiate aux organes délibérants pour des mesures correctives », a rappelé Khalid Yacoubou-Boukari.

Renforcement des équipes et simulations de crise

Pour répondre aux exigences croissantes de la gestion des risques, la circulaire impose aux établissements financiers de renforcer leurs équipes spécialisées. Khalid Yacoubou-Boukari a souligné l’importance de la formation continue du personnel dédié, en mentionnant les efforts de la Commission bancaire. Il a précisé que celle-ci a mis en place des programmes de formation, notamment via le COFEB, avec des cursus tels que le Parcours Bâle II-III, qui deviendra, selon lui, une étape obligatoire pour tout banquier de l’Uemoa aspirant à une responsabilité de gestionnaire de risque.   Le partenariat avec HEC Paris avec les certifications Management - Stratégique Bancaire 1 & 2, subventionnés pour les banquiers de la sous-région, renforce ce cadre. « Une direction des risques bien staffée, avec une autorité suffisante, est importante pour que l’institution puisse couvrir efficacement l’ensemble des risques auxquels elle est exposée », a-t-il expliqué.

En parallèle, la circulaire exige la mise en place de simulations de crise, visant à tester la robustesse des dispositifs de gestion des risques en cas de situations imprévues. Ces simulations doivent permettre aux institutions d'anticiper les chocs potentiels et de préparer des plans d’action correctifs, afin de répondre de manière adéquate aux crises financières ou aux perturbations opérationnelles. Les établissements doivent aussi se doter d'un système de surveillance continue pour détecter les écarts par rapport aux limites de risque fixées, et alerter les organes de gouvernance en cas de besoin, apprend-on. 

Le rôle des organes de gouvernance

La gouvernance des risques est au cœur des recommandations de la Circulaire. Selon l’expert, les comités des risques, émanant des conseils d'administration des banques, doivent s'assurer que toutes les politiques et procédures relatives à la gestion des risques sont bien mises en œuvre. Ces comités ont la responsabilité de surveiller les risques de manière active et de rendre des comptes régulièrement à la Commission bancaire.

Dans cette optique, Khalid Yacoubou-Boukari a insisté sur l’importance de la séparation des tâches entre les directions opérationnelles, notamment celles en charge des activités génératrices de revenus, et les directions des risques. Cette indépendance est primordiale pour éviter tout conflit d’intérêt et garantir une gestion objective des risques.

Les établissements sont également tenus de soumettre semestriellement à leurs organes de gouvernance, un rapport détaillé sur leur gestion des risques. Ce rapport doit inclure des informations sur la nature et le niveau d’exposition aux risques, les besoins en fonds propres et en liquidités, ainsi que sur la qualité du portefeuille de crédits et les provisions associées. Des revues régulières doivent également être faites pour les risques de concentration, en particulier pour les expositions significatives à un secteur ou à une région géographique spécifique.

Une dynamique de modernisation

L’atelier a également été l’occasion pour Khalid Yacoubou-Boukari de rappeler que la gestion des risques dans l’UEMOA ne doit pas se limiter à répondre aux exigences réglementaires, mais doit aussi s'inscrire dans une dynamique de modernisation. Dans la circulaire, les établissements financiers sont encouragés à adopter des outils technologiques permettant une meilleure collecte et analyse des données, notamment en ce qui concerne les événements de pertes opérationnelles.

De plus, l’introduction de nouveaux produits financiers doit être accompagnée d’une évaluation minutieuse des risques inhérents. « Chaque produit, chaque processus doit être scruté sous l’angle du risque, avec des mesures d’atténuation adaptées », a expliqué le formateur. L’objectif est de faire en sorte que les innovations financières ne fragilisent pas les institutions, mais contribuent à leur solidité.

Fiacre E. Kakpo

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