(Togo First) - Nous sommes en novembre 2017, Foire Internationale de Lomé. Le Premier ministre puis la ministre en charge du numérique, en visite sur le site s’invitent sur le stand d’une jeune équipe d’ingénieurs et de développeurs passionnés de culture générale, attirant sur ces derniers les flashes et caméras des journalistes. Après quelques encouragements et conseils prodigués, c’est le déclic. L’idée de créer un outil au service de l’éducation germe et fait son chemin. Un an après son lancement et 2000 utilisateurs plus tard, la mayonnaise tarde toujours à prendre complètement mais l’optimisme est de mise. Togo First est allé à leur rencontre. Interview.
Togo First : Zonoa, qu’est-ce que c’est ?
Joseph Kodjo Atakpa : C’est une application qui intègre les contenus du programme scolaire togolais sous forme de jeu, étalé sur des quiz et basé sur des résumés de cours. L’ensemble est validé par une équipe d’enseignants qui nous accompagne. L’idée derrière est que les jeunes, surtout des élèves, font une utilisation pas toujours idéale des smartphones aujourd’hui et laisse cela empiéter sur les cours. Zonoa vient donc concilier l’éducation et la technologie dans un environnement ludique, pour ne plus voir les smartphones comme un handicap à la réussite de l’élève. L’élève jouera en répondant au quiz qui, on le rappelle, s’inspire du programme éducatif national en cours.
T.F : D’où est venue l’idée de sa conception ?
J.K.A : Elle remonte à cinq ou six ans, alors que nous étions encore étudiants à l’école nationale supérieure des ingénieurs (ENSI-Université de Lomé, ndlr). Nous avions remarqué que pendant les activités culturelles, il n’y avait rien qui réunissait les étudiants au sein de l’école. Nous avions donc disposé des paniers dans lesquels nous avons déposé de petites questions de culture générale. Les passants étaient invités à tirer une question chacun et en cas de bonne réponse, repartir avec un petit prix.
L’engouement a été tel que nous avons décidé de le refaire l’année qui a suivi mais en y apportant des innovations. Il s’agissait désormais de s’inscrire et de défier quelqu’un. Nous avons informatisé le système et tout se déroulait en ligne et en réseau. Cela nous a poussés plus tard à développer carrément une application desktop avec laquelle nous avons initié une compétition inter-filières à l’Ensi. Nous avons donc participé avec cette application à quelques concours d’entrepreneurs et manifestations foraines où nous n’avons pas, malheureusement, été lauréats, mais où notre application a fait sensation.
C’est ainsi que plusieurs mois plus tard, nous avons été contactés par un des mentors d’un concours auquel on a participé, le concours Pépites d’Or de la Foire Adjafi. Il nous a aidé à repenser le produit et à le dédier aux élèves en changeant beaucoup de choses et le nommant Zonoa, (qui veut dire en langue locale, le surdoué ou l’intelligent dans le cadre scolaire, ndlr). Nous l’appelions « Carrefour des sciences » et c’était au début destiné de façon globale à toute la population. La nouvelle appli créée s’adressait désormais de façon distincte à 03 catégories de personnes : les élèves, les parents et « Monsieur Tout le monde ».
Pour les parents, Zonoa permet de faire le suivi scolaire, d’avoir accès à leurs performances dans telle ou telle discipline, afin de prendre des mesures d’accompagnement physique. Pour tout le monde, l’application offre de la culture générale avec un fort accent sur des questions en lien avec le Togo.
T.F : Outre l’accompagnement de ce mentor, avez-vous reçu un autre soutien ?
J.K.A : Celui d’Inov’up, une structure spécialisée dans l’incubation de jeunes startups. Nous avons été également suivis par le Centre de Gestion Agrée (CGA) pour tout ce qui est comptabilité et fiscalité. Rappelons que l’application a été développée par des étudiants de l’Ensi, au départ, auxquels se sont ajoutés plus tard d’autres personnes, donc l’équipe s’est quelque peu élargie à un moment.
T.F : Comment obtenir et utiliser l’application ?
J.K.A : Zonoa est disponible en téléchargement gratuit sur Play Store ou peut être envoyée via Bluetooth ou Xender lorsque quelqu’un l’a à côté de vous. Une fois que vous l’avez, vous vous inscrivez. Vous avez besoin de connexion internet à ce niveau pour le faire. Si vous êtes élève, vous avez droit, après l’inscription, à 03 matières avec des contenus limités. Pour avoir accès à l’ensemble des matières inscrites à votre programme, selon votre classe ou niveau, vous devez vous abonner à 200 FCFA/mois ou à 500 FCFA/trimestre. L’abonnement se fait par Flooz ou par Code.
T.F : Comment réagit le public vis-à-vis de Zonoa ?
J.K.A : Pas franchement de la meilleure des façons, enfin de celles que nous espérons. L’appli est certes destinée aux élèves mais il y a un travail à faire derrière par les parents et les responsables d’établissement, les enseignants ou tous ceux qui interviennent dans le monde éducatif.
Il faut que le parent ne pense plus nécessairement que le téléphone portable est un frein à l’éducation mais plutôt un moyen qui peut aussi aider l’élève dans son cursus. Nous allons parfois dans certains établissements scolaires pour nous entretenir avec certains responsables, pour leur présenter l’appli et parler de Zonoa aux élèves mais cela ne rencontre pas toujours un franc succès. Des fois, les responsables ne sont pas clairement intéressés. Il y a aussi certains qui vous accueillent à bras ouverts et vous font confiance.
Autre problème que nous rencontrons, celui de la connexion qui n’est pas toujours très bonne et qui altère un peu la qualité de notre travail et de nos démarches mais nous espérons que tout ira mieux bientôt. Les objectifs que nous nous sommes définis ne sont pas forcément atteints mais nous ne désespérons pas.
T.F : Quelles sont vos attentes et perspectives ?
J.K.A : Couvrir d’ici trois ans, tous les niveaux d’éducation, du Primaire en Terminale et impliquer le plus possible de personnes. Nous pensons que Zonoa peut prendre parce que certains parents d’élèves ont manifesté un vif intérêt, ce qui nous laisse à croire que si nous creusons encore plus et explorons d’autres pistes, cela permettra à nos jeunes frères et sœurs de s’amuser tout en apprenant. Cela participera à coup sûr à la formation des futurs génies de demain.
Interview réalisée par Octave A. Bruce