(Togo First) - A Bitchabé, canton ferronnier de la préfecture de Bassar, à la lisière de la frontière ghanéenne, une petite révolution tout aussi silencieuse est en marche depuis 2019 dans la santé et la protection civile de l’enfant et de la mère.
A la manette, l’Unicef, soutenue par la firme pharmaceutique japonaise Takeda, le Fonds mondial et le fonds français Muskoka, appuie le déploiement d’un vaste programme multisectoriel visant à rendre les collectivités locales child friendly, avec en toile de fond, l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et infantile.
“L'initiative Communauté amie des enfants est une approche intégrée dans laquelle l’enfant bénéficie dès sa naissance de son premier droit qui est le droit d'identité, c’est-à-dire l’enregistrement de naissance, d’une prise en charge sanitaire de qualité, de ses droits à la protection sociale et à l’éducation et grandit dans une atmosphère sécurisée et conviviale, jusqu’à ses 18 ans”, explique Mikaïla Ahmed, Infirmier d’État, Responsable de l’Unité de Soins Périphériques (USP) de Bitchabé.
Développée également dans 4 autres pays d’Afrique à savoir le Tchad, la RDC, la Guinée et le Libéria, l’approche basée sur la gouvernance locale s'appuie notamment sur les Agents de santé communautaire (ASC) au Togo.
“Au Togo, on avait déjà un acquis : les agents de santé communautaire qui dans la communauté prenaient déjà en charge les maladies des enfants de 2 mois à 59 mois, comme le paludisme, la pneumonie, la diarrhée, la toux ou le rhume et la malnutrition. Cet acquis est devenu notre porte d’entrée pour la communauté amie des enfants.", indique Wadou Tchani, expert en suivi-évaluation des interventions sanitaires de base, point focal du programme.
Au Togo, la Communauté Amie des enfants et suivi en Temps réel (CFC-RTM, Child friendly community and real time Monitoring) cible déjà les préfectures de Bassar et d’Assoli dans la région de la Kara, et la préfecture de Kpendjal dans les savanes. Selon le ministère de la santé, elle tend à se déployer dans l’Oti.
Spécialement, à Bitchabe, un des cantons pilotes, 20 ASC ont été formés et équipés dont “3 relais communautaires qui sont dans les alentours de 5 km juste pour faire le recensement et rappeler aux femmes leurs rendez-vous” au seul centre de santé du canton, et “17 ASC au-delà de 5km”.
Bassar n’yabidassain est l’un de ces agents de campagne. Muni de son havresac style fantassin et son smartphone offert par l’Unicef, l’agent de santé doit sillonner, ménage par ménage, Bawelessi, un des 15 villages de Bitchabé, pour collecter et vérifier les données sur les enfants et les femmes enceintes. Dans son cahier des charges, le ‘’soignant’’ est censé ‘’ identifier et analyser les problèmes sanitaires et proposer des approches de solutions immédiates ou lors d’une réunion communautaire au village, sous la coordination du chef du village.” Ces informations tenues à jour via la version mobile de l’application d’analyse de données Core BI par l’ASC, sont acheminées en temps réel vers les serveurs du ministère de la santé, niveau régional où se déroule le monitoring général.
“Les ASC ont un registre numérique de suivi des malades qu’ils tiennent au jour le jour. Toutes les activités de l’ASC sont traçables, parce que nous faisons la synthèse mensuelle. A la fin de chaque mois, les populations sont actualisées grâce à l’action de visite régulière à domicile de l’ASC.”, explique Tchani.
“Il doit aller dans chaque ménage, voir les nouveau-nés enregistrés, vérifier s’il y a des services dont ils n’ont pas pu bénéficier (vaccination, mesures pour les femmes enceintes),” souligne-t-il. Ainsi, détaille l’Unicef, ces services concernent les soins de la mère et du nouveau-né, les soins préventifs et curatifs pour tous les enfants de moins de 5 ans, de nutrition, de développement de la petite enfance (DPE), de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, de la protection à travers l’enregistrement des naissances et des Pratiques Familiales Essentielles.
Enfin, l’agent de santé est chargé de relever tous “les problèmes qu’il enregistre dans son téléphone où est installée une application. L’ASC qui assiste aux réunions communautaires, présente le tableau de bord pour résoudre les problèmes. Le chef de village envoie les problèmes au niveau du canton si on ne trouve pas de solution dans le canton”.
“Avec cette nouvelle approche, l’agent de santé communautaire rend compte directement à la communauté. C’est une évolution majeure de la gouvernance locale.”, rappellera quant à lui, l'infirmier d'État.
Les résultats
A Bitchabé, canton où plus de ⅔ des villages sont difficilement accessibles en période de pluie, les fruits semblent porter la promesse des fleurs. On est bien loin des tendances des années 2018 comme le souligne le Mikaïla, s’appuyant sur les données à fin septembre 2021.
“Avant l’approche, on était champion des accouchements à domicile dans ce canton, à cause de l’inaccessibilité de certains villages. Aujourd’hui les accouchements à domicile appartiennent à l’histoire à Bitchabé. Ils sont si rares que même quand la femme accouche à domicile, on l’amène le lendemain au centre de santé.”
Selon l'infirmier, le canton a définitivement mis fin au phénomène des enfants sans identité, alors que deux ans en arrière “plus de la moitié des nouveau-nés n’avaient pas d’acte de naissance.”
“Avec l’approche, il n’y a plus de nouveau-nés sans acte de naissance. L’état civil est en même temps dans la formation sanitaire. Aujourd’hui, quand un enfant naît, on lui octroie l’attestation de naissance directement.”
Autre statistique importante : la mortalité infantile est en nette régression, grâce notamment à l'augmentation des consultations prénatales et aux vaccinations des enfants.
“On était à 27% de consultations prénatales, en partie en raison des zones inaccessibles. Aujourd’hui, 52% des femmes enceintes viennent faire les consultations prénatales pour un objectif initial de 45% pour toute l’année.”
D’autre part, à un trimestre de la fin de l’année, le canton est à 95% d’enfants vaccinés.
“Nous sommes en bonne marche pour réduire les grossesses en milieu scolaire. Il en est de même pour les violences sur les enfants, grâce à une cellule au niveau des écoles qui sensibilise.”
Selon l’Unicef, au Togo, un enfant sur 5 ne vivra pas jusqu’à son cinquième anniversaire, des statistiques tempérées tout de même par l’indice du capital humain de la Banque mondiale selon lequel 7% des enfants qui naissent aujourd’hui ne fêteront pas leur jubilé de bois. Qu’importe ! L’Organisation des Nations Unies pour l'enfance, en appui au gouvernement, veut porter davantage l’enfant au centre des préoccupations des comités villageois.
Fiacre E. Kakpo