La BOAD prévoit de nouvelles opérations de titrisation, d'assurance-crédit, et de dettes super subordonnées

Banque
jeudi, 16 mai 2024 09:29
La BOAD prévoit de nouvelles opérations de titrisation, d'assurance-crédit, et de dettes super subordonnées

(Togo First) - La banque basée à Lomé, qui couvre les huit pays de l’UEMOA, va surtout se lancer dans une nouvelle vague d’opérations d’ici la fin de ce premier semestre, a confié à l’Agence Ecofin son président, Serge Ekué.

Depuis son arrivée à la tête de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) en 2020, Serge Ekué (photo) a activé plusieurs leviers financiers pour exploiter « pleinement le potentiel de l'institution ». Assurance-crédit, titrisation, augmentation de capital et dette super subordonnée sont au cœur de cette stratégie visant à renforcer les capacités de financement de la banque pour augmenter le financement des Etats de la sous-région de 50% à l’horizon. Pour soutenir le Plan Djoliba qui doit mobiliser plus de 3300 milliards fcfa pour atteindre ses objectifs, la BOAD se prépare à lancer une nouvelle série d'opérations financières. Décryptage. 

Nouvelle assurance-crédit : après le souverain, soigner le portefeuille « privé »

Dès 2021, la BOAD a activé l’un des premiers leviers de la BOAD : la souscription à une police d'assurance-crédit. Cette première opération a porté sur un portefeuille de 44 milliards fcfa. La dynamique s’est poursuivie en juillet 2023 avec la signature d'une nouvelle police d'assurance auprès d’assureurs européens notés entre ‘A-’ et ‘AA-’, couvrant cette fois 278 milliards fcfa de prêts répartis sur l’ensemble des pays de la zone UEMOA.

Grâce à ces différentes polices, la BOAD a porté à 11 % la part de son portefeuille de prêts assurés, soit un montant de 322 milliards fcfa, l’équivalent de 500 millions d’euros. Ce mécanisme de protection vise à transférer une partie des risques de défaut à des assureurs externes. « L'assurance-crédit est une mesure de précaution essentielle qui renforce la qualité de notre portefeuille et optimise l'utilisation de notre capital », justifie Serge Ekué.

Les retombées sont notables. « Sur cette opération de 322 milliards fcfa, nous avons réussi à économiser l'équivalent de 80 milliards en fonds propres », se félicite le financier béninois. Grâce à l’effet de levier, la BOAD peut ainsi redéployer 235 milliards fcfa, augmentant sa capacité de financement pour de nouveaux projets. « Cela justifie largement l'assurance du portefeuille, ainsi que la prime que nous payons », ajoute-t-il.

Galvanisée par ce succès, la BOAD prépare déjà sa prochaine offensive sur le front de l’assurance-crédit. Serge Ekué annonce que cette fois-ci, l'accent sera mis sur des secteurs spécifiques comme l'immobilier résidentiel. « En créant un portefeuille cohérent d'expositions immobilières, la BOAD cherche à attirer des investisseurs spécialisés dans l'immobilier, tant au sein de la région qu'à l'international », précise-t-il.

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Nouvelle opération de titrisation : 100 milliards fcfa dans le viseur

En parallèle, la banque basée à Lomé se prépare à lancer une nouvelle opération de titrisation. La précédente, réalisée l'année dernière, portait sur un montant de 150 milliards fcfa sur sept ans avec un taux de 6,10 %. Bien que certains aient critiqué ce taux élevé, M. Ekué défend cette stratégie en révélant les économies en fonds propres réalisées grâce à la titrisation. « Bien que nous ayons payé un taux de 6,10 %, les économies réalisées grâce à la libération de fonds propres et l'optimisation de notre bilan ont permis de générer un bénéfice net équivalant à environ 300 ou 400 points de base », explique le responsable. En d'autres termes, les revenus supplémentaires qui pourraient être obtenus par le réinvestissement des fonds propres libérés compensent largement le coût initial de l'opération. 

Selon les informations, la prochaine opération de titrisation sera axée sur le secteur immobilier résidentiel. « Nous allons créer des Residential Mortgage-Backed Securities (RMBS) pour attirer des investisseurs spécialisés dans l'immobilier résidentiel », a précisé le banquier. En regroupant ses expositions dans ce domaine, la BOAD espère créer un portefeuille attractif pour les investisseurs, tant dans la région qu'à l'international. « Nous voulons récupérer dans notre portefeuille toutes les expositions dans l'immobilier résidentiel, pas commercial, pour créer un portefeuille cohérent et granulaire », a-t-il ajouté. Cette approche permettra à la BOAD de transformer des actifs illiquides en titres liquides, optimisant ainsi son bilan et augmentant sa capacité de prêt, assure-t-on. 

« Le gros avantage de ces opérations est que la BOAD n'immobilise plus les fonds propres durant la durée de son engagement. Nous redonnons ainsi de la capacité bilancielle pour prêter à nouveau sans solliciter de nouveaux actionnaires », a expliqué S. Ekué. Cette opération de titrisation d'envergure, visant à mobiliser 100 milliards fcfa pour le secteur privé, est actuellement en cours de structuration. Prévue pour le premier semestre, elle représente une étape clé du vaste programme de titrisation de plus de 500 milliards fcfa destiné à financer le plan Djoliba.

Dettes super subordonnées : mi-dette mi-fonds propres

En décembre 2023, la BOAD avait frappé un grand coup en mobilisant 100 millions de dollars en dettes super subordonnées et 30 millions en capital dur, grâce à un apport de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA). Celle-ci aurait également joué un rôle actif dans les apports des Etats membres lors de l'augmentation du capital de l'institution de développement, contribuant ainsi à hauteur de 530 millions d'euros au total. Sur cette somme, 400 millions ont été alloués au financement de la part de l'augmentation de capital dévolue aux États.

« Trouver une banque qui investit plus d'un demi-milliard d'euros en capital dans notre zone est un signe de confiance exceptionnel", a ajouté le président de la banque, expliquant que pour les agences de notation comme Fitch, 100 % des 100 millions injectés par la banque arabe étaient considérés comme des fonds propres. « Nous montons un produit qui ressemble à des fonds propres, qui a l'odeur et la couleur des fonds propres, et qui sera reconnu par les agences de notation comme un produit proche des fonds propres ». Bien que ce ne soit pas des fonds propres au sens strict, ce mécanisme ne modifie pas l'actionnariat ni la gouvernance de la banque.

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« Cela nous permet de prêter l'équivalent de 300 millions d'euros grâce à l'effet de levier, soit 400 millions d'euros injectés dans le marché", se félicite l'ancien de Natixis, poursuivant : « on a donc des capitaux frais immédiatement utilisables, et surtout, dans les métiers qui sont les nôtres, dans la conjoncture qui est la nôtre, être capable de dire que nous disposons de capitaux propres immédiatement, c'est la meilleure réponse à tous les accidents auxquels la BOAD peut être exposée, à tous les risques endogènes et exogènes ». Il se félicite que son institution soit la première banque de développement au monde à réaliser une telle opération, bien avant la Banque mondiale ou même la BAD.

Ce premier coup, selon le dirigeant, ouvre la porte à l'arrivée imminente d'un investisseur de renom, noté AA, prêt à injecter également des fonds sous la forme de dette super subordonnée. « Nous espérons conclure cette opération significative avec cet actionnaire de premier plan d'ici le mois prochain », a déclaré le président de la BOAD.

Environnement à défis

Sur cet instrument hybride, la BOAD est à la recherche de 600 millions de dollars, somme essentielle au plan de renforcement de son capital qui doit augmenter de 1,5 milliard de dollars, dont plus de la moitié a déjà été mobilisée. Ces fonds serviront d'une part à déployer le bilan de la banque, et d'autre part à protéger son profil financier contre d'éventuels chocs, afin de préserver sa notation « investment grade ». Cette orientation devient particulièrement pertinente alors que l'agence de notation Fitch a récemment révisé ses perspectives à la baisse, notamment en raison de l'arrêt des remboursements de la Guinée-Bissau, qui représente 5 % du portefeuille, une exposition que Serge Ekué considère comme « pas très élevée ».

« Nous avons tous été surpris que Fitch ait évoqué un sujet concernant la Guinée-Bissau. Nous avons tous été étonnés. Nous sommes en discussion avec eux pour voir comment corriger cela, car les montants en jeu ne sont pas très élevés, et nous pensons que ces perspectives négatives ne correspondent pas à la situation », a-t-il fait constater. 

Et de poursuivre : « nous estimons que l'ensemble de nos actions, comprenant les diverses mesures d'augmentation de capital, le renforcement de nos fonds propres, ainsi que l'optimisation de notre bilan, devraient conduire à une évaluation moins sévère de la part de Fitch ».

La BOAD doit néanmoins relever un autre défi : convaincre d'autres investisseurs internationaux pour achever cette augmentation de capital.  Et sur ces aspects, son dirigeant compte sur une gouvernance solide et transparente pour y parvenir. « Notre structure de capital est très saine, notre gouvernance est très saine et nous sommes très transparents », a-t-il affirmé. La banque indique ainsi collaborer déjà étroitement avec des partenaires internationaux tels que l'AFD, la KfW, la Banque africaine de développement et la Banque européenne d’investissement pour renforcer sa capacité de financement.

Bien qu'elle soit pleinement engagée, et que l’optimisation de son bilan ainsi que le renforcement de ses fonds propres soient essentiels, la BOAD reconnaît qu'elle évolue dans un contexte complexe. Les tensions régionales exacerbées et l'augmentation des dépenses sécuritaires accentuent les défis auxquels elle fait face, notamment les besoins pressants en financement du développement. Serge Ekué a souligné que dans certains Etats, plus de 30 % du budget est consacré aux dépenses de sécurité, laissant ainsi un important déficit à combler pour le financement du développement. Ce besoin est d'autant plus criant dans un contexte de croissance démographique rapide de la région, avec une population qui double tous les 25 ans, amplifiant la demande en énergie, en santé et en infrastructures.

Fiacre E. Kakpo

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