(Togo First) - Avec des investissements importants réalisés en un temps record, la PIA se positionne comme le nouveau visage de l’industrialisation du Togo.
Octobre 2023. Au cœur de l'effervescence togolaise, un événement marque un tournant. La Plateforme Industrielle d'Adétikopé (PIA) est sur le point d'expédier vers les États-Unis, des vêtements fraîchement sortis des ateliers de son centre de formation. C'est une première : le Togo envoie, en quantité substantielle, des vêtements confectionnés par des mains togolaises vers le sol américain. La cargaison, totalisant 123 380 pièces estampillées "Made in Togo", est destinée à garnir les rayons de la marque The Children’s Place.
PIA, fleuron de l’industrie togolaise
Un pas de géant après seulement deux ans d'activité, témoignage de la montée en puissance graduelle de cette plateforme industrielle. Trois ans auparavant, les premiers coups de pioche avaient été donnés, avec la promesse de confier à cette infrastructure charnière, les ambitions industrielles du Togo. Pour le Président togolais Faure Gnassingbé, la mise en place de la PIA devrait « garantir que le Togo obtienne une meilleure part de la valeur ajoutée grâce au développement de l’industrie locale ». Depuis ses terres rougeoyantes situées à 15 km au nord de Lomé, cette infrastructure colossale, inaugurée en présence du Chef de l’Etat togolais le 6 juin 2021, symbolise pour Lomé la renaissance industrielle du Togo. Initialement étendue sur 400 hectares, la PIA ambitionne de s'imposer comme le pilier de l'industrialisation nationale, insufflant un espoir économique inédit.
À ce jour, la plateforme dont la mise en œuvre a nécessité un investissement de 295 millions de dollars, abrite neuf entreprises qui se sont implantées dans cette zone industrielle. Ces entreprises sont spécialisées dans le textile, la transformation du soja, la fabrication d’engrais, la brasserie, le montage d’engins électriques, le nettoyage industriel et la manutention portuaire. Leur impact est déjà palpable : plus de 3364 emplois créés parmi la population locale.
Fruit d'un partenariat public-privé entre ARISE IIP, développeur de parcs industriels similaires au Bénin et au Gabon, et l’État togolais qui en détient 35%, la PIA porte les ambitions de booster les exportations togolaises. L’objectif est clair : atteindre 1 milliard de dollars d'exportations à forte valeur ajoutée d'ici à 2030 avec une stratégie orientée vers l'intégration verticale, visant à créer des chaînes de valeur complètes, en particulier dans l'industrie textile et du soja.
Soja, engrais, bois
Et pour y parvenir, les premiers jalons ont été posés. Usine de transformation de soja, centre de formation textile, unité de transformation du bois, usine de fabrication d’engrais, production de boissons, logistique portuaire… tous ces éléments coexistent dans cette enceinte intégrée pouvant accueillir jusqu'à 250 entreprises, 700 camions de fret et 12 000 EVP de conteneurs.
Capitalisant sur la croissance de la production de soja – secteur qui s’est structuré ces dernières années avec le Togo devenant le premier exportateur de soja bio vers l’UE – l'usine Togo Soja, nécessitant un investissement de 25 millions de dollars, vise à répondre à une demande régionale et mondiale. Elle est conçue pour transformer sur place 200 000 tonnes de soja en huile, très prisée sur les marchés internationaux, et en tourteaux. L’unité a démarré avec vigueur : durant ses premiers mois d’activité, elle a transformé 50 000 tonnes en huile, selon les services de la PIA.
Avec NutriSource, le Togo ambitionne de se faire une place sur le marché des engrais, tout en boostant son secteur agricole qui occupe 60% de la population et contribue à hauteur de 35% au PIB. Ainsi, le Singapourien Nutrisource, implantant sa première usine africaine de fabrication d'engrais NPK à Adétikopé, vise, dans sa phase de croisière, une capacité de production de 200 000 tonnes par an. Il y investit environ 4,9 milliards FCFA et a déjà exprimé l'intention d’augmenter cet investissement.
Togo Woods, quant à elle, ambitionne d'apporter une valeur ajoutée à la filière bois avec son usine de transformation du bois de teck au cœur de la PIA, à l'instar de la Zone Économique Spéciale du Gabon (GSEZ) axée sur l'industrie du bois.
Le coton, tête de liste
Plus d'un millier de jeunes sont déjà passés par les vastes tentes de formation de la PIA en textile. Cette dernière dispose d'une importante unité de tricotage intégrée qui englobe le filage, le tricotage, la teinture, la finition et la confection. Les vêtements y sont fabriqués avec une variété de fils cardés, peignés, de coton compact et de spandex. La production de ces vêtements devrait contribuer à la création de 4 600 emplois directs et indirects pour les Togolais. S'étendant sur 9,5 hectares, cette unité devrait produire 27 millions de pièces de vêtements tricotés par an et sera équipée d'une technologie moderne grâce à l'automatisation, confient des sources de Garment Training Centers (GTC) - Centres de Formation et de Production Textile. Une fois formés et rompus à la tâche, ces jeunes seront mis à disposition des entreprises textiles internationales qui s’y installent, comme le leader indien ITC Rmg qui envisage d'implanter 750 machines à tricoter au sein de la PIA. À terme, 2 000 jeunes togolais produiront des vêtements estampillés "Made in Togo", destinés aux marchés régionaux et internationaux. L’ambition est de multiplier par 12 les exportations togolaises de produits textiles à l’horizon 2030 alors que jusqu’à aujourd’hui, le Togo qui est un important producteur de coton sur le continent, n’en exporte encore que la matière brute vers les marchés asiatiques.
Le tandem PIA - MIFA
Pour que les industries de la plateforme fonctionnent à plein régime, le partenariat entre la PIA et le Mécanisme Incitatif de Financement Agricole MIFA-SA fondé sur le partage de risques, qui structure les acteurs du secteur agricole en fournissant des semences améliorées, des équipements et du financement, prend tout son sens. A titre d’illustration, le 29 septembre 2023, la PIA a remis 24 tracteurs et leurs accessoires aux coopératives agricoles et aux agrégateurs du Togo. De plus, en 2021, la PIA a intégré l’actionnariat du MIFA, renforçant ainsi les synergies entre les deux entités.
Port sec, parking : les jalons du hub logistique
Au-delà de tout, la PIA est une zone intégrée. Son port sec, doté d'une capacité de 12 000 EVP, vise à décongestionner le Port de Lomé, positionnant l'infrastructure comme stratégique pour un pays aspirant à devenir un hub logistique régional. Les pays de l’Hinterland sont particulièrement ciblés, afin de leur offrir un service compétitif. Récemment, le Parc industriel d’Adétikopé a mis en service un nouveau site de stationnement pour les camions, d'une capacité de 487 places. Ce dispositif est une extension du port sec et permet de désengorger le port de Lomé.
Fiacre E. Kakpo