(Togo First) - Au Togo, alors que le Fonds monétaire international (FMI) recommande aux autorités de réduire les exonérations de TVA pour améliorer la mobilisation des recettes, le gouvernement veut surtout passer d’abord par une analyse en profondeur de ses dispositifs fiscaux.
Dans son dernier rapport, le FMI recommandait au Togo de revoir son cadre fiscal pour augmenter les recettes publiques. L’institution plaide pour une réduction des exonérations de TVA, un élargissement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et un alignement sur l’impôt minimum mondial pour certaines entreprises.
Mais surtout en ligne de mire : les exonérations de TVA qui auraient pu rapporter 60,8 milliards FCFA au budget national en 2023, soit 42,4 % des 143,2 milliards FCFA de dépenses fiscales totales (recettes fiscales que l’État renonce à percevoir en raison des exonérations, réductions de taux ou dispositifs spécifiques). Une somme conséquente, qui représenterait 2,6 % du PIB et plus de 17% des recettes liquides. En 2022, 40,8 milliards FCFA de TVA n’avaient déjà pas été perçus en raison des exonérations. Un montant non négligeable, dans un contexte où la mobilisation des recettes publiques est devenue une priorité.
Le gouvernement veut temporiser
Face à ces recommandations, Lomé adopte une approche plus progressive, car une suppression brutale pourrait fragiliser certains secteurs, voire alourdir le coût de la vie. Les autorités annoncent une analyse des exonérations de TVA d’ici à juin 2025 pour déterminer lesquelles sont réellement bénéfiques aux ménages modestes et lesquelles profitent davantage aux entreprises et aux catégories les plus aisées.
Objectif affiché : distinguer les exonérations dites progressives, qui soutiennent les populations à faibles revenus, de celles considérées comme régressives, qui profitent davantage aux ménages à hauts revenus ou à certains secteurs économiques privilégiés.
Car réduire les exonérations, c’est forcément taxer davantage certains biens et services. L’argument avancé est que certaines exonérations profitent davantage aux catégories aisées qu’aux plus modestes. Mais dans les faits, toucher à ces avantages fiscaux, c’est risquer de renchérir le coût de la vie, surtout pour les ménages qui consacrent l’essentiel de leurs revenus à la consommation. Ensuite, ce que l’État récupère d’un côté, il ne le laisse plus de l’autre. Supprimer une exonération ne signifie pas seulement un gain pour les finances publiques, c’est aussi une charge supplémentaire pour ceux qui en bénéficiaient jusque-là. Les entreprises qui bénéficient aujourd’hui d’un régime fiscal plus souple pourraient voir leur compétitivité fragilisée. Si elles doivent payer plus de TVA, elles répercuteront la hausse sur les prix ou rogneront sur les investissements.
Le FMI, lui, a déjà sa solution : mettre en place des transferts monétaires ciblés pour compenser l’effet sur les plus vulnérables. Lomé se donne jusqu’à fin juin 2026 pour finaliser sa stratégie globale de mobilisation des recettes à moyen terme (SMRMT), qui pourrait prendre en compte des transferts monétaires, en dehors de ce qui se fait déjà dans le cadre du soutien de la Banque mondiale. Plusieurs raisons expliquent cela, notamment la mise en œuvre du système d’identification biométrique en cours de développement pour améliorer le ciblage et éviter les doubles allocations. D’ici à fin 2025, le gouvernement prévoit d’enregistrer la moitié de la population et plus de la moitié des ménages pauvres et vulnérables dans ce registre qui ne sera complet qu’en 2026.
Une réforme délicate
Le débat reste ouvert sur l’impact d’une telle réforme. Certains économistes estiment que les exonérations de TVA sont un outil important pour préserver le pouvoir d’achat des plus démunis. À l’inverse, d’autres pointent une perte de revenus pour l’État, qui limite sa capacité d’investissement dans les infrastructures et les services publics.
Autre point de friction : les régimes fiscaux spéciaux qui attirent des investissements mais génèrent aussi des manques à gagner pour l’État. Le FMI recommande que les entreprises bénéficiant d’avantages fiscaux soient progressivement contraintes de s’installer dans des zones économiques spéciales.
Fiacre E. Kakpo