(Togo First) - Des brodequins au « tout-habillement », ainsi pourrait-on décrire le parcours entrepreneurial de Tchant Chan Lorimpo, jeune Togolais âgé de 30 ans.
Titulaire d’une licence en droit des affaires et d’un master en gestion de projets, Chan, a toujours été passionné par le vestimentaire et n’a pas hésité à concrétiser ses ambitions dès que l’occasion s’est présentée, sous la forme d’une incubation au sein du programme de la Fondation Tony Elumelu, une première au pays. 4 ans après, de « General Shoes » à « General Wear », Chan emploie aujourd’hui directement 28 personnes et enregistre un chiffre d’affaires annuel de 13 millions FCFA. Togo First l’a rencontré. Lecture.
Togo First : Pourquoi avoir entrepris dans le vestimentaire ?
Tchant Lorimpo : L’idée même d’entreprendre a toujours fait son chemin dans ma tête. J’ai fréquenté pour entreprendre et créer ma propre entreprise, non pour travailler. La décision d’entreprendre dans le vestimentaire est née de l’amour inconditionnel que j’ai pour les bottes et les chaussures de sécurité que mon père avait et portait dans le cadre de son boulot. J’en étais passionné. En 2006, je suis allé au Nigéria et j’ai fait un tour dans un grand marché d’une ville et j’y ai vu une usine qui produisait des chaussures de sécurité. Ils avaient mis une baie vitrée à travers laquelle on voyait des gens en train de faire ce travail. J’ai été tellement emballé que j’ai décidé de faire pareil. Et de 2006 à ce jour, c’est ce qui me motive, avoir une usine de ce genre, avec 2000, 3000 personnes qui font des articles vestimentaires et habillent les gens.
A mon retour nous avons commencé avec une petite unité qui produisait des chaussures de sécurité, elle s’appelait « General Shoes » et en 2017, nous nous sommes diversifiés en raison du marché et des besoins de produire plus que des chaussures mais plutôt tout ce qui peut être dans le vestimentaire. Ce qui a fait que nous avons changé le nom de la structure de « Shoes » en « Wear ». D’où General Wear.
Aujourd’hui donc, nous produisons de façon industrielle plusieurs articles vestimentaires. Streets-wear, publicité, low-cost. Nous confectionnons des Lacoste, des pullovers, des T-shirts, des pantalons Jeans.
T.F : Comment se fait ce travail industriel dans votre entreprise, de la matière première au produit final ?
T.L : Nous faisons venir notre tissu d’Italie pour la majorité et une certaine partie, du Nigéria. La découpe, la confection, l’emballage et la distribution se fait à partir d’ici. Aujourd’hui, nous sommes en partenariat avec une centaine de Pme qui sont dans la production vestimentaire, le prêt-à-porter ou encore la sérigraphie. Nous travaillons également avec une centaine qui travaille dans la distribution, la diffusion et l’utilisation du produit fini. Mais il faut souligner que notre chaîne de distribution est encore actuellement le goulot d’étranglement de notre entreprise.
Nous sommes en train de travailler actuellement pour pouvoir nous-même filer notre coton, le tisser, le tricoter, en faire un tissu, le teinter s’il y a lieu et le commercialiser. Le projet est déjà là et nous sommes à la recherche de fonds et nous espérons pouvoir le mettre en place dans le courant de cette année au plus tard.
T.F : Vous n’êtes pourtant pas très présent sur le marché. Avez-vous des difficultés pour communiquer ou vous rendre visibles ?
T.L : Sans rire, je crois que nous devons certainement faire partie des entreprises togolaises qui font le moins de publicité. Tout simplement parce que notre demande aujourd’hui est 3 à 4 fois plus importante que notre capacité de production. Donc si nous nous mettons à faire de la communication, cela risque d’exploser.
T.F : Quelles sont alors vos perspectives ?
T.L : Maitriser notre chaîne d’approvisionnement en matières premières. Et produire nous-même notre propre coton, nos tissus. Nos capacités actuelles sont limitées, nos unités de production sont débordées. Nous avons même des commandes en retard donc nous devons impérativement maitriser ces circuits pour pouvoir passer le cap. Notre vision d’ici l’année prochaine est d’avoir 3 ou 4 unités de confection avec au moins deux cent personnes employées.
T.F : Tony Elumelu, on en parle ? Vous êtes quand même le premier Togolais à avoir été sélectionné pour ce programme qui accompagne les jeunes entrepreneurs africains. Vous êtes d’ailleurs aujourd’hui le président du hub Togo des alumni de la fondation. Comment cela s’est-il passé ?
T.L : Lorsque le Dr Tony Elumelu a lancé le programme type, nous étions encore au Nigéria. La semaine où nous l’avions découvert, nous étions en train de solliciter un financement dans une banque de la place pour monter notre projet au Togo.
Nous étions passés plusieurs fois et il nous a été signifié que la banque n’ayant pas de filiale au Togo, il serait possible de domicilier l’entreprise au Ghana voisin afin de pouvoir obtenir ces facilités. Devant notre réticence, nous avons été informés qu’un projet initié par la Fondation Elumelu était en cours à ce moment et qu’il pouvait nous être bénéfique si on postulait. Ce qui a été fait et les fonds ont été débloqués.
Le programme offre d’abord 12 semaines de formation en ligne avec pour chaque semaine des cours spécifiques et des modules en vidéo, des exercices, des mises en application sur le terrain avec des exigences de résultats à ramener.
Vous êtes suivis par un mentor qui vous montre des schémas et des cas de figure qui se concrétisent toujours une fois que vous êtes sur le terrain.
Après ces 12 semaines, tous les sélectionnés se retrouvent à un camp général de rencontre organisé par le programme. Là vous partagez, vous échangez, vous apprenez de différents entrepreneurs dans différents domaines. Vous rencontrez également des bailleurs, des partenaires, de chercheurs, de scientifiques et de fournisseurs.
Ce programme a le mérite de vous transformer totalement et de susciter en vous une autre façon de voir l’entrepreneuriat. Il vous procure une formation de qualité, un réseau ou un carnet d’adresse impressionnant et un financement assez conséquent pour mieux démarrer. Au Togo, nous alumni, essayons de faire en sorte que d’autres entrepreneurs nous emboitent le pas. Nous sommes à ce jour 34 et nous voulons que chaque année sur les 1000 sélectionnés, qu’il y ait nombre important de Togolais. On n’en sortira que plus grands.
Propos recueillis par Octave A. Bruce