(Togo First) - Ingénieux, inventif et surtout beau : les qualificatifs ne manquent pas lorsqu’on entre dans l’univers de Gnebi Essohanam, le visage togolais des multiprises en bois. Electrotechnicien et informaticien de formation, le jeune homme âgé aujourd’hui de 33 ans s’est lancé il y a 2 ans dans l’entrepreneuriat en créant ElectroInfo, une structure spécialisée dans la fabrication et la distribution de multiprises et de luminaires décoratifs. Passionné d’innovations technologiques, ce Prométhée des temps modernes ambitionne tout simplement de poser sa marque sur la carte des conceptions utiles du continent. TogoFirst est allé à sa rencontre. Interview.
TogoFirst : Comment est venue l’idée de monter ton entreprise ?
Gnebi Essohanam : J’ai obtenu un Bac F3 au lycée après une formation de base en électronique et j’ai poursuivi après des études supérieures en informatique et réseau. A la fin de ma formation, j’ai ouvert une petite boutique dans laquelle je vendais du matériel électrique et électronique. Et j’ai pu constater que les clients achetaient souvent des multiprises en demandant à chaque fois si c’était de bonne qualité. J’ai alors fait une petite immersion sur le marché des multiprises, et j’ai pu remarquer que la quasi-totalité est importée. Je me suis donc dit qu’avec mes connaissances académiques et mes compétences acquises, je pouvais créer des multiprises Made In Togo, avec un design différent et d’autres fonctionnalités et qui répondent aux normes de ces produits importés. C’est ainsi que j’ai dressé un jour, une liste de matières que l’on trouve partout comme du bois, du plexiglas, des câbles de courant que je suis allé chercher.
L’idée était de créer des produits utiles et décoratifs à la fois. Et chemin faisant, j’ai pensé à ajouter aux multiprises, des luminaires, des lampes de chevet et d’autres accessoires, toujours à partir de produits locaux. J’ai donc réalisé des croquis de quelques échantillons que j’ai soumis à des ébénistes et des spécialistes du bois, pour les sculpter. Cela a été admirablement fait et je me suis chargé d’y mettre des câbles et les ajustements répondant à des sections de sécurité conventionnelles. Ça a été le déclic.
TF : Comment les consommateurs ont-ils réagi à tes produits ?
GE : Très favorablement. Les gens ont aimé le concept, et aimé le produit. J’ai présenté ma multiprise pour la première fois à la foire Made In Togo et ça a tout de suite pris. J’ai reçu beaucoup de commandes parce que j’ai su convaincre les visiteurs des garanties qu’offrent nos multiprises, en plus, bien entendu, du caractère décoratif. Il faut reconnaitre que l’idée des multiprises avec des socles en bois existent depuis plus d’une dizaine d’années dans notre quotidien. La principale innovation dans ma création a été de constituer toute la prise à partir de bois et de ne laisser que l’espace pour insérer les prises femelles et les fils. Il en va de même pour toutes les autres créations. Lampes de chevet, de bureau, de table ou encore luminaires et cadres de photos, j’ai apporté une touche décorative à tous ces objets que nous utilisons presque chaque jour.
Au niveau de mes prises électriques ou des lampes par exemple, j’ai ajouté des ports USB. Aujourd’hui on se balade systématiquement avec le chargeur ou le câble donc cela est un plus dans le quotidien.
TF : As-tu bénéficié d’un accompagnement institutionnel dans la mise en place de ton entreprise ?
GE : Non. Je n’ai bénéficié d’aucun accompagnement jusqu’alors. J’ai entrepris dans un domaine où on ne reçoit en principe pas de formation et dans lequel beaucoup de gens ne s’aventurent pas. J’ai identifié un besoin et une opportunité et j’ai décidé de m’essayer à cela pour voir ce que cela allait donner. J’ai démarré avec mes propres moyens et c’est aujourd’hui maintenant que j’ai le plus grand besoin d’un accompagnement, qu’il soit institutionnel ou pas. Parce que maintenant que j’ai fait mes preuves, exposé mes œuvres et que je reçois des commandes, il me faut plus de moyens. L’achat du bois, la sous-traitance avec les ébénistes, la recherche des meilleurs matériaux électriques et électroniques, tout cela nécessite désormais une plus grande organisation. Pour cela, je multiplie les participations aux concours et appels d’offres pour essayer de gagner un prix ou une enveloppe conséquente qui puisse me permettre de mieux m’établir. A ce titre, j’ai postulé pour le concours J’NOV pour les ODD organisé par le Pnud et le ministère en charge de la jeunesse, que vous avez relayé sur votre site.
Parlant toujours d’un éventuel accompagnement, je suis actuellement en discussion avec un partenaire qui est basé en Côte d’Ivoire, passionné par ce que je fais et qui voudrait investir dans mon entreprise. L’idée étant d’ouvrir dans un an, un relais de mon entreprise là-bas pour vendre mes produits.
TF : Quelles sont les difficultés que tu rencontres ?
GE : Mes difficultés sont de deux ordres : financier et communicationnel. Comme tout entrepreneur qui se lance dans son activité sur fonds propres, ce n’est jamais évident d’arriver à s’en sortir, sans à un moment ou un autre croiser ces soucis financiers. C’est une chose d’avoir l’idée mais c’est une autre d’avoir des moyens, même s’ils sont dérisoires, pour matérialiser cette idée.
Le second obstacle que je rencontre est celui de la communication. Je suis un technicien et je suis plus doué avec mes outils qu’avec mon verbe. Je ne maîtrise pas vraiment l’art de la communication et il m’est souvent difficile d’arriver à porter mes produits un peu plus loin que par le biais des canaux standards, raison pour laquelle je remercie TogoFirst de me faire découvrir.
D’autres petites difficultés techniques surgissent, bien entendu au fur et à mesure que j’évolue, mais elles sont rectifiées grâce aux divers conseils et apports que je reçois.
TF : Quelles sont tes perspectives de croissance dans les prochaines années ?
GE : Devenir une entreprise nationale, spécialisée dans la fabrication de produits électriques à partir de produits locaux, réalisés avec design, goût et innovation, selon le vouloir du client.
L’ambition est de partir un jour à la conquête de l’Afrique, tout en commençant par la zone Uemoa. Je veux faire de ElectroInfo une marque internationale mais qui résonnera d’abord Togolais avant toute chose.
J’ai actuellement un projet en cours autour des rallonges et multiprises étanches destinées aux personnes qui vivent dans les zones inondables ou sinistrées et qui sont en proie aux intempéries. Si j’arrive à mettre sur pied cela, cela fera une innovation de plus à partir d’un objet usuel.
A plus long terme, j’ai de micro-projets allant dans le sens de l’informatique, vu que je n’ai pas oublié que j’y ai des compétences. Mais tout cela va passer par de l’abnégation, de la foi et de la persévérance.
Interview réalisée par Octave A. Bruce