(Togo First) - Le Togo s’attaque à un chantier très attendu : réorganiser ses entreprises publiques stratégiques pour améliorer leur performance et réduire les risques budgétaires. Sous programme du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement s’est lancé dans une série de réformes visant des entités clés comme la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT), le Port Autonome de Lomé (PAL) et la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET).
D’après un rapport de la Cour des comptes largement relayé, ces entreprises, censées être des piliers économiques, font face à des défis majeurs en matière de gouvernance, de transparence et d’efficience. Elles ne contribueraient qu’à la marge à l’effort budgétaire national. En 2022, seulement 15,5 milliards FCFA ont été encaissés par l’État au titre des dividendes provenant de ses participations dans une vingtaine de sociétés. À fin octobre 2023, ce montant s’élevait à 14,8 milliards FCFA, selon les chiffres communiqués à la commission des finances de l’Assemblée nationale, avec des prévisions qui atteignaient 21 milliards FCFA pour l’année 2023. Côté Impôts sur les sociétés, on tournait sous la barre des 30 milliards FCFA à fin octobre 2023, d’après la même source (Parlement).
Pour remédier à cette situation, le gouvernement togolais mise sur un cadre législatif en cours d’adoption, avec l’ambition de transformer ces entités en de véritables leviers de développement économique.
Big bang prévu dans le secteur des entreprises publiques
La pierre angulaire de ces réformes est l’introduction d’audits obligatoires pour les entreprises publiques, une première. Selon nos informations, les premiers audits devraient être finalisés cette année. Si cette mesure cible initialement six entités stratégiques, elle devrait s’étendre progressivement à d’autres entreprises. Les institutions concernées sont le Port Autonome de Lomé (PAL), la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET), la Togolaise des Eaux (TdE), l’Union Togolaise de Banque (UTB), la Loterie Nationale Togolaise (LONATO) et la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT).
En parallèle, Lomé veut resserrer l’étau sur la gestion des entreprises publiques. Un projet de loi, soumis au Parlement, entend refondre leur gouvernance et leur supervision en profondeur. Objectif : tourner la page de certaines pratiques peu optimales. Ce texte propose un cadre législatif renforcé, assorti d’une politique de propriété claire pour ces entreprises, attendue entre septembre et décembre 2025. Parmi les innovations prévues, figure également l’obligation pour ces six entreprises stratégiques de publier leurs états financiers audités dans un délai de six mois après la clôture de l’exercice fiscal. Ces documents devront être intégrés au rapport sur les risques budgétaires annexé au projet de loi de finances. Les premiers rapports financiers audités conformes à la nouvelle législation devraient être produits en 2026, pour l’exercice fiscal de 2025. Le projet de loi prévoit également l’établissement de critères de compétence pour les nominations aux postes stratégiques, dans le but de professionnaliser la gestion des entreprises publiques et de limiter les interventions politiques. En outre, ce texte introduit des contrats de performance fixant "des objectifs précis, mesurables et soumis à évaluation", indique-t-on.
L’enjeu est double : améliorer la transparence et la gestion financière des entreprises publiques, tout en renforçant la supervision parlementaire pour mieux cerner les risques budgétaires qu’elles représentent. Une réforme ambitieuse qui, si elle est adoptée, pourrait redéfinir les contours de la gestion publique au Togo, dans un contexte où le pays a récemment sollicité le FMI pour un examen diagnostique de gouvernance. Selon des sources proches du dossier au sein de l’institution de Bretton Woods, un audit complet des comptes publics et de gouvernance est en préparation, sur demande des autorités togolaises elles-mêmes. Cependant, les premiers rapports ne devraient être disponibles qu’en 2026, en raison de contraintes liées à la mobilisation des équipes du FMI, ont-elles confié à Togo First.
UTB : une restructuration qui pourrait fait école
L’Union Togolaise de Banque, en proie à des difficultés financières depuis plusieurs années, représente un exemple emblématique des défis auxquels ces réformes tentent de répondre. En 2024, l’État a procédé à une recapitalisation équivalant à 1,5 % du PIB pour stabiliser l’établissement. Un audit externe a permis d’identifier les faiblesses de sa gestion et un plan de restructuration est en cours de mise en œuvre.
"Le redressement de l’UTB est essentiel pour montrer que ces réformes peuvent produire des résultats tangibles", souligne un économiste basé à Lomé. Une privatisation partielle de la banque pourrait être envisagée à partir de 2025, à condition que sa rentabilité soit rétablie, apprend-on. La restructuration de l’UTB pourrait faire cas d’école, apprend-on. Mais il reste encore du chemin.
La CEET et la TdE, au centre de la batterie de réformes attendue
La réforme touche également la CEET et la TdE, deux entreprises essentielles pour fournir l’électricité et l’eau à la population. Ces entités devront ajuster leurs tarifs pour refléter les coûts réels de production. Toutefois, des mécanismes de soutien sont prévus pour protéger les ménages les plus vulnérables.
Le gouvernement mise également sur des projets d’investissement pour améliorer l’accès à l’énergie et diversifier les sources d’approvisionnement. Des projets solaires de 130 MW et le développement du barrage de Titira font partie des investissements clés que le gouvernement est en train de déployer.
Un tableau de bord pour surveiller la performance
Et pour garantir une meilleure gestion des entreprises publiques, un tableau de bord est déjà en train d’être mis en place pour suivre leur performance financière et opérationnelle en temps réel. Ce dispositif devrait permettre d’identifier rapidement les problèmes et d’ajuster les politiques en conséquence, promettent les autorités togolaises. De plus, les projets d’investissement des entreprises publiques seront intégrés au budget national afin d’améliorer la coordination et de limiter les redondances dans l’utilisation des ressources publiques.
Un pari sous haute surveillance
Le FMI, qui accompagne le Togo dans ce processus, surveille de près l’avancée des réformes. L’institution a salué les progrès réalisés tout en rappelant l’importance d’une mise en œuvre rigoureuse, et dit s’attendre à ce que les choses s’accélèrent, d’autant que ces réformes font partie intégrante du programme de financement de 390 millions $ sur 42 mois au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC) en cours avec l’institution de Washington.
Fiacre E. Kakpo