(Togo First) - Détermination, courage et sympathie font partie de son quotidien. Nadège Tchangaï est sans nul doute, l’une des jeunes filles togolaises qui prouvent que les femmes peuvent réaliser les mêmes activités que les hommes, et mieux. Sa couveuse solaire fabriquée il y a quelques années, en dit long. A travers son entreprise NET Energy, représentant les initiales de son nom, elle accompagne éleveurs, agriculteurs… pour accroître leurs productions.
Malgré une vie jonchée d’obstacles, en partie parce qu’elle est femme, Nadège Tchangaï n’a jamais baissé les bras depuis sa tendre enfance. Issue d’une famille modeste de six enfants dont trois sont passés de vie à trépas, elle se considère comme une grande sœur qui doit communiquer l’espoir non seulement à sa fratrie, mais aussi à ses parents qui nourrissent l'ambition de la voir devenir une leader.
Taille courte, discrète et taquine, la jeune dame de 24 ans est plus âgée qu’elle n’en a l’air. Elle fait fi de tout ce qu’on raconte d’elle en restant focus sur ses objectifs.
Parcours atypique
Brillante à l’école, Nadège Tchangaï a obtenu son Bac D à Kara avec une mention assez bien. Téméraire, elle aime repousser les limites pour relever des défis dans les domaines d’activités réservés par nature aux hommes, selon ce qu’on dit. Ce préjugé fait au contraire la force de cette agronome de formation qui a d’ailleurs opté pour une spécialité dite réservée aux hommes, notamment la science animale et vétérinaire et a fini par obtenir sa licence en agronomie en 2021 à l’Université de Lomé.
Couveuse solaire et hybride
Fille de vétérinaire, Nadège n’est pas devenue fabricante de couveuse solaire par hasard. Poussée par la passion de son père qu’elle observait depuis toute petite, elle a compris que l’élevage est un secteur porteur dans lequel il faut entreprendre. En mêlant innovation à sa formation, elle a crevé l'abcès auquel étaient confrontés les acteurs de ce domaine.
L'entreprise NET Energy créée l'année dernière, s'est spécialisée dans la production de poussins locaux. L'objectif pour Nadège est de promouvoir la consommation locale. En effet, les couveuses sont conçues pour pallier le délestage récurrent dans certaines localités, afin d'éviter la perte des œufs et améliorer la production. Différentes gammes, dont des couveuses hybrides sont proposées aux clients en fonction de leur envie et de leurs moyens.
L'idée de fabriquer des couveuses solaires lui est venue en 2020, alors qu'elle était en deuxième année d'agronomie. Très tôt, elle a compris qu’il fallait concevoir un dispositif pouvant alimenter en énergie solaire, les couveuses traditionnelles. Souriante et déterminée à changer le quotidien des éleveurs, elle s'associe à Frank Koudjo, un Béninois spécialisé en électronique, pour réaliser son projet.
Nadège Tchangaï, malgré ses nombreuses occupations, décide de se former en énergie solaire. L'occasion faisant le larron, son projet sera retenu par le programme « Wényonu » initié par Energy Generation. Elle bénéficie d’une formation pouvant lui permettre de maîtriser d’autres techniques en énergie solaire. Mais avant cette formation, elle réalisait déjà ses premières couveuses solaires avec l'appui de son collègue béninois. Cette expérience lui a permis de mieux assimiler la formation en énergie solaire.
Techniquement, les couveuses sont alimentées par des panneaux solaires qui alternent l'alimentation en électricité en cas de délestage.
Le processus de transformation des œufs en poussins se fait de manière continuelle et automatique sans aucune incidence sur la production. La jeune entreprise projette de produire et commercialiser des poussins locaux via ce système pour pallier le manque de volailles locales sur le marché.
“La femme aussi est capable”
En se lançant dans ce secteur dominé par les hommes, la jeune femme soutient les producteurs. "J'aime entreprendre et innover. Je me suis dit pourquoi ne pas apporter une solution aux producteurs pour leur permettre d'augmenter leur rendement", a déclaré Nadège Tchangaï. Ce n'est pas seulement le goût de l'entrepreneuriat qui l'a amenée dans ce secteur d'activité. "On dit souvent que la femme est née pour rester au foyer, s'occuper des enfants et qu'elle ne peut pas effectuer certaines activités. Je veux prouver aux gens que la femme aussi est capable…", soutient-elle.
Elle a toujours su se débrouiller depuis son adolescence pour joindre les deux bouts. “Je me bats non seulement pour relever des défis importants et prendre une revanche sur le fait que je n’ai pas pu faire les études dans des conditions confortables à cause de notre condition modeste, mais aussi à cause des jouets et autres choses que certains enfants ont eus et que moi je n’ai pas eu la chance d'avoir par manque de moyens, et ce, malgré tous les efforts et sacrifices de nos parents ", précise-t-elle.
Depuis le primaire, celle que l'on appelle affectueusement Nado a appris à épargner son argent de poche. Un principe d’éducation financière qu'elle a gardé jusqu'à présent, ce qui lui permet de mettre en œuvre certains de ses projets.
Vu l'utilité de sa machine, des clients en raffolent. Malheureusement l’entreprise n’arrive pas pour le moment à faire une production industrielle ni à satisfaire toutes les demandes.
Le manque de financement est le principal frein auquel est confrontée Nadège sur le cheminement vers des succès plus éclatants. En effet, la fabrication des couveuses nécessite beaucoup de fonds. Même si plus d'une vingtaine de couveuses ont été déjà vendues par l'entreprise, la demande va crescendo.
Chez NET Energy, on distingue des couveuses en bois et en plastique. Il faut au moins 100 000 FCFA pour fabriquer cet appareil et le montant peut augmenter en fonction de la taille et du désir du client.
"Chaque fois, je me dis que là où les autres femmes refusent d'aller, moi je dois y aller pour voir ce qui empêche mes consœurs de faire le pas. Par exemple, avant de faire la série D, on m'avait dit que je ne pouvais pas y arriver et que les séries scientifiques étaient réservées aux garçons. Arrivée à l'université, c'était pareil. On m'a conseillé au départ de faire l'agro-éco parce que les filles s'en sortent mieux là-bas. Mais j'ai carrément refusé. D'autres me demandaient si je n'avais pas peur des animaux (sourire)", confie-t-elle.
Irrigation solaire
NET Energy est aussi spécialisée en agriculture liée à l’énergie solaire. Nadège s’est lancée dans l’irrigation solaire à cause des nombreuses difficultés que rencontrent les agriculteurs par rapport à leurs semences.
Le projet fait déjà ses preuves et est expérimenté par des maraîchers à Agbodrafo, localité située dans la région Maritime au sud du pays. Dans cette zone, la directrice générale a constaté une perte régulière de certaines cultures comme les choux, perte due à la non maîtrise de l’irrigation.
Sa solution est bien appréciée par les maraîchers de ce milieu, parce qu’elle a résolu leurs difficultés et leur permet d’augmenter leur rendement.
Lauréate du programme « L’Afrik de Demain », organisé par le magazine Océan’s News, Nadège Tchangaï souhaite que le gouvernement soutienne davantage les jeunes entrepreneurs togolais pour les aider à réaliser leurs rêves. Pour elle, il est préférable d’acheter les outils fabriqués par des Togolais pour soutenir l’économie nationale que d’en commander de l’extérieur.
La rédaction