(Togo First) - Engagée dans la défense des droits des populations depuis sa création en 1999, l’Association Togolaise des Consommateurs (ATC) occupe un peu plus le devant de la scène ces dernières années, dans un contexte marqué davantage par des enjeux économiques, sociaux et sociétaux. Dans une interview accordée à Togo First, le responsable de la commission santé et environnement de l’organisation, Léon Agboka, détaille les actions et plaidoyers menés, et se projette sur les chantiers stratégiques de l’ATC pour la nouvelle année.
Togo First (T.F) : On entend parler de l'Association togolaise des consommateurs. Qu'est-ce exactement ? Quelles sont réellement vos missions ?
Léon Agboka (L.A) : L'Association togolaise des consommateurs (ATC) est une organisation qui œuvre sur le terrain pour défendre les droits et les intérêts des consommateurs. Lorsqu'une augmentation des prix survient, l'association engage des discussions avec les autorités afin de plaider pour une réduction des coûts en faveur des consommateurs. Nous portons également une attention particulière aux devoirs et responsabilités qui incombent à ces derniers. En effet, il est important de rappeler que si les droits des consommateurs sont essentiels, leurs obligations le sont tout autant. Par exemple, dans le domaine de l'électricité, après avoir bénéficié du service, chaque consommateur a le devoir de régler sa facture, ce qui constitue une responsabilité fondamentale.
T.F : Pourriez-vous revenir sur les mesures prises par le gouvernement ces derniers mois, telles que la réduction ou le plafonnement des prix des denrées alimentaires, la régulation du secteur des transports et la baisse des prix des produits pétroliers ? Comment percevez-vous ces actions pour les consommateurs togolais ?
L.A : Nous saluons ces mesures qui arrivent à point nommé. Cependant, il est important de reconnaître que la vie chère au Togo a pris une ampleur considérable. À l'ATC, nous espérons que d'autres mesures viendront compléter celles qui ont déjà été mises en place.
T.F: Lorsque vous parlez de mesures supplémentaires, de quoi s'agit-il concrètement ? Quelles sont les dispositions ou ajustements supplémentaires que le gouvernement doit mettre en œuvre ?
L.A : Il est important de renforcer le pouvoir d'achat des citoyens. Cela pourrait passer par une réduction des tarifs douaniers, ce qui permettrait de baisser les prix sur le marché. Une mesure comme l'attribution des 60.000 FCFA aux travailleurs du secteur privé aussi serait très bien accueillie par les Togolais. Cela soulagerait directement de nombreuses familles. Dans les jours à venir, il serait également avantageux de prendre des dispositions pour renforcer l'accès à des produits de première nécessité à des prix abordables.
T.F : Quelles ont été les actions de plaidoyer de l'ATC que le gouvernement a récemment prises en compte ?
L.A : D’abord, il faut noter que le plaidoyer est au cœur de notre mission. Nous nous réjouissons que certaines de nos propositions aient récemment été prises en compte par le gouvernement. Cela témoigne d’une écoute attentive des autorités, qui prennent le temps d’analyser les conditions avant de prendre des mesures. Ces actions montrent à suffisance que l'exécutif tient compte de nos sollicitations et de celles des consommateurs. En témoignent les récentes mesures qui visent à améliorer le pouvoir d'achat et à réguler certains secteurs clés.
Il est important de renforcer le pouvoir d'achat des citoyens. Cela pourrait passer par une réduction des tarifs douaniers, ce qui permettrait de baisser les prix sur le marché.
T.F : Malgré les avancées, il y a toujours, certains produits qui restent hors de portée des consommateurs. Quelles sont les prochaines actions ou plaidoyers que vous prévoyez pour inverser cette tendance ?
L.A : Pour inverser cette tendance, la première stratégie, c’est la dénonciation. En effet, il existe encore des commerçants malhonnêtes qui, dans le but de maximiser leurs profits, pratiquent la spéculation et la surenchère sur certains produits. Nous appelons à un renforcement des contrôles effectués par les inspecteurs du ministère du commerce et de la santé. En fin d’année, nous avons constaté une intensification des efforts pour surveiller les marchés, et nous saluons cette initiative. De notre côté, nous restons constamment présents sur le terrain. Des descentes sont régulièrement faites dans les marchés pour vérifier la qualité des produits et leur conformité avec les normes en vigueur.
T.F : Quelles sont les actions concrètes de l'ATC sur le terrain pour dénoncer la vente de produits non conformes ou périmés ?
L.A : Le rôle principal de l'ATC est avant tout, la sensibilisation. Notre mission consiste à attirer l'attention des consommateurs sur les effets et les dangers associés à cette problématique. Nous sommes souvent sur le terrain, notamment pendant certaines campagnes, où nous organisons des émissions. Nous diffusons des programmes à la radio et à la télévision, et nous utilisons des outils de démonstration adaptés. Nous intervenons également dans les écoles, où nous réalisons des ateliers interactifs avec les élèves pour leur apprendre à reconnaître les risques et adopter les bonnes pratiques. Dans les supermarchés, nous veillons à inspecter les étalages pour vérifier la conformité des produits. Les entreprises font également appel à notre expertise pour des évaluations ou des conseils spécialisés
T.F : Le gouvernement a mis en place un numéro vert, le 8585, pour dénoncer des anomalies dans le secteur du commerce. Pouvez-vous nous dire comment ce dispositif fonctionne actuellement ? Avez-vous reçu des retours ou des feedbacks de la part des consommateurs concernant leur expérience avec ce mécanisme ?
L.A : C’est le ministère du commerce qui a instauré ce numéro vert. Il y a souvent des plaintes, mais peu de démarches concrètes. Beaucoup de gens préfèrent se lamenter plutôt que de dénoncer activement les problèmes. Notre rôle est donc de sensibiliser et d'encourager les consommateurs à signaler les problèmes qu'ils rencontrent. La dénonciation est essentielle, car elle permet aux autorités de prendre des mesures pour résoudre les problèmes rapidement. Nous mettons un accent particulier sur l’importance de la confidentialité. Lorsque nous recevons un signalement, nous contactons la personne concernée pour obtenir davantage d'informations, comme l'adresse du problème. Ensuite, une équipe d’inspecteurs se rend sur place pour évaluer la situation. En cas de plainte, le ministère du commerce, en collaboration avec celui de la santé, intervient pour résoudre le problème. Toutefois, il est important de préciser que notre rôle ne consiste pas à détruire directement les produits suspects. Ce sont les agents des ministères compétents qui se chargent de cette tâche.
T.F : Qu’arrive-t-il lorsque ces produits ne sont pas détruits immédiatement ?
L.A : Les produits incriminés sont stockés dans un entrepôt dédié avant d’être détruits, conformément aux procédures spécifiques. Le serment des agents du ministère du commerce et de la santé est mis en jeu dans ce processus. Il serait inacceptable que des produits de mauvaise qualité circulent encore sur le marché.
T.F : Quels risques encourent les commerçants qui se permettent de vendre des produits périmés aux consommateurs ?
L.A : Ces pratiques sont très graves et punies par la loi. Les commerçants qui effacent ou modifient les dates de péremption, ou qui vendent des produits périmés, sont soumis au code pénal. En fonction de la gravité de l'infraction, ils peuvent être condamnés à des amendes, voire à des peines de prison. Ces actions représentent également un danger pour la santé publique, ce qui renforce la nécessité de sanctions sévères.
T.F : Que doivent faire les consommateurs lorsqu'ils constatent un problème avec un produit, comme une date de péremption modifiée ou une boîte de conserve bombée ?
L.A : Il est essentiel de dénoncer immédiatement de tels produits. Les consommateurs doivent signaler ces cas aux autorités compétentes pour permettre l’intervention rapide et le retrait des produits du marché. Par ailleurs, les consommateurs doivent éviter d’acheter des produits avec des boîtes bombées ou déformées, car cela indique souvent un problème avec le contenu.
Les consommateurs doivent éviter d’acheter des produits avec des boîtes bombées ou déformées, car cela indique souvent un problème avec le contenu.
T.F : En dehors de la saisie des produits, quelles autres sanctions sont appliquées aux commerçants malhonnêtes ?
L.A : Outre la saisie des produits non conformes, les commerçants malhonnêtes peuvent être interdits de vendre des marchandises et sont passibles de sanctions légales. Ces sanctions peuvent aller jusqu'à une peine d'emprisonnement en cas de récidive ou d’infraction grave. Le cadre légal en place, notamment le code pénal et les règlements commerciaux, est appliqué pour protéger les consommateurs.
T.F : ATC et LCT sont des entités qui se croisent souvent dans la défense des consommateurs. Quelle est la différence et comment se passe la collaboration avec les différents organismes militants ?
L.A : Ces organisations, bien que travaillant sur des axes parfois différents, partagent un même objectif : la protection des consommateurs. Alors que certaines se concentrent davantage sur la dénonciation des abus, d'autres privilégient des approches plus éducatives ou informatives. L’ATC se distingue par son approche axée sur la négociation. Nous n’intervenons pas sur des questions politiques, mais nous nous concentrons exclusivement sur la défense des consommateurs. Nous agissons pour résoudre des problèmes concrets en veillant à ce que les produits respectent les normes de qualité.
Notre rôle à l'ATC reste donc axé sur la négociation, visant à garantir des pratiques commerciales justes et une meilleure qualité des produits. L'ATC collabore également avec la Ligue Togolaise des Consommateurs (LCT) sur des actions communes.
Parmi nos actions immédiates, nous nous penchons sur la production des eaux minérales, un secteur où certains producteurs ne respectent pas toujours les normes de sécurité.
T.F : En matière de régulation, l'ARCEP a montré ces dernières années une réelle capacité à intervenir et à sanctionner certains opérateurs. Êtes-vous en collaboration avec l'ARCEP et quel est l'état actuel de cette coopération ?
L.A : Nous collaborons activement avec l'ARCEP. L’ATC et la LCT organisent des tournées tous les six mois dans tout le pays. Ces déplacements permettent de vérifier la couverture du réseau et de résoudre d’éventuels problèmes avec les opérateurs. Si des conflits sont détectés, nous orientons les actions et apportons des solutions concrètes en collaboration avec l'ARCEP et les opérateurs. Une visite a eu lieu récemment, suivie de réunions pour traiter les problèmes identifiés.
T.F : Quels sont vos chantiers stratégiques pour cette année ?
L.A : Nos priorités pour cette année se concentrent sur la sécurité des consommateurs et l'amélioration des pratiques dans des secteurs clés. Parmi nos actions immédiates, nous nous penchons sur la production des eaux minérales, un secteur où certains producteurs ne respectent pas toujours les normes de sécurité. Les conditions de production sont souvent inappropriées, ce qui est préoccupant. De même, les abattoirs clandestins représentent un autre défi majeur, avec des pratiques dangereuses comme l'utilisation de pneus pour brûler les carcasses.
Pour mieux aborder ces enjeux, nous avons établi un plan d'action qui sera mis en œuvre tout au long de l’année. Notre approche est de traiter ces défis de manière systématique tout en évaluant continuellement nos avancées pour ajuster nos efforts et mener à bien nos initiatives.
Interview réalisée par Fiacre Kakpo