(Togo First) - Le Togo perd chaque année plus de 40 millions $ (environ 23 milliards FCFA), à cause des différentes manœuvres « d'optimisation fiscale » et assimilés des multinationales, visant à réduire le montant des impôts et taxes dus à l’OTR.
C’est ce que révèle le tout récent rapport “Justice fiscale : état des lieux”, publié en ce mois de novembre 2020, par un consortium d'organisations, formé notamment de la Tax Justice Network, du Global Alliance for Tax Justice et Public Services International. Cette étude se base sur les données issues des déclarations pays par pays recueillies par 26 pays membres de l’OCDE, auprès de multinationales implantées sur leur territoire.
Le fisc togolais perd chaque année environ 22 milliards FCFA à cause des déclarations « abusives » de l’impôt sur les sociétés par les multinationales.
Selon le document, ces milliards de saignée fiscale pour les caisses de l’État, sont « très essentiellement » du fait des grandes entreprises étrangères. En effet, les abus liés à l'impôt sur les sociétés seuls, représenteraient chaque année 38,85 millions $ (21,5 milliards FCFA). Ils seraient responsables de 93% des pertes fiscales évaluées qui sont estimées en analysant le décalage entre la localisation des bénéfices (souvent des paradis fiscaux) et la localisation de l’activité économique productive.
L’évasion fiscale des fortunés
Le reste des pertes est lié à l’évasion fiscale privée à l’étranger (off-shore). Le document indique ainsi que des riches togolais, à l'instar des fortunés de la planète, « cachent des biens et des revenus non déclarés à l’étranger, hors de portée de l’application de la loi ». Pour le cas du Togo, l’évasion fiscale privée ne déroberait à la vigilance du fisc qu’une fortune estimée à 2,76 millions $ (près de 2 milliards FCFA), selon ledit rapport. Un chiffre relativement moins important, qui pourrait s’expliquer par les dernières avancées du pays en matière de lutte contre le blanchiment et infractions économiques assimilées. Des progrès qu’avait salués, dans un de ses derniers rapports, le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), tout en encourageant les autorités locales à poursuivre sur cette lancée, en vue de remédier rapidement aux lacunes qui subsistent encore dans son système.
L’effet contre-productif de la "concurrence fiscale”
De façon assez singulière, ces manœuvres des multinationales nationales et des très riches entrainent très vite les pays faibles dans un cercle vicieux, celui de la concurrence fiscale, consistant à réduire les impôts pour attirer encore plus de gros contributeurs. Cette approche, au lieu de résoudre le problème, selon le consortium d’ONG, ne ferait, au contraire que créer une seconde vague, de pertes indirectes.
Ainsi, pour augmenter leurs revenus fiscaux (dégradés par l’évasion pratiquée en amont par ces gros contribuables), les gouvernements baissent les taux d’impositions, pour attirer davantage de sociétés étrangères « afin de contrer les pertes directes liées à l’abus à l’impôt sur les sociétés, attirer les multinationales et, en définitive, augmenter les recettes fiscales. »
Or, selon les experts de l’étude, baisser les impôts ne marche pas, mais plutôt, « diminue ainsi les recettes fiscales globales d’un gouvernement. » L’effet pervers majeur qui en résulte est que, dans le cas du Togo par exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés qui a été ramené récemment à 27% pour rendre le pays attractif ne vaut « effectivement » que 17,5% selon les estimations du Consortium. Une situation qui bloque les dépenses sociales, notamment celles dans les secteurs vitaux comme la santé.
La forte incidence sur les secteurs sociaux
Les abus fiscaux éroderaient au pays 62 % de ses dépenses de santé.
Si la disponibilité des données au niveau national est encore jugée faible, on relève néanmoins l’incidence de ces pertes sur les dépenses sociales, en particulier le domaine sanitaire. Ainsi, le rapport estime que les abus fiscaux, feraient perdre annuellement au Togo, l’équivalent de 62 % de ses dépenses de santé.
Ayi Renaud Dossavi
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