(Togo First) - En 2020, au début de la pandémie du coronavirus au Togo, l’artiste plasticien Gérard Tete décide de changer de technique d’art en optant pour le recyclage des chaussures usées. Ses œuvres commercialisées à la Gallery Soview à Accra (Ghana) attirent de plus en plus de clients à travers le monde.
Au plus fort de la pandémie du coronavirus et confronté aux difficultés pour se procurer les peintures et outils qu’il utilise habituellement pour ses tableaux, Gérard Tete surnommé « Tesprit », a décidé de faire les choses autrement : se servir des chaussures usées comme des tongs pour réaliser ses œuvres d’art. Ces matériaux qui traînent ça et là et polluent l'environnement constituent pour lui, une véritable mine d’or. Ses créations lui permettent de redonner une seconde vie à ces chaussures et de sensibiliser au recyclage.
Il n’y a pas de crise, il n’y a que des opportunités, dit-on. Alors que ses activités tournaient au ralenti, la faute aux moyens qui lui manquaient terriblement et aux matières premières qu’il peinait à trouver, il eut l’ingénieuse idée de se réinventer. Se réinventer, ce n’était pas à proprement parler, une option. C’était plutôt un devoir de survie pour lui. «Je peux en quelque sorte dire que c’est la crise qui m’a inspiré, parce que sans elle, je n’aurais pas vraiment eu cette idée. Pendant la pandémie, je n’avais pas de moyens et j’avais des difficultés à me procurer des outils de travail. C’est de là que m’est venue l’idée de penser à un autre médium, donc c’est la crise qui m’a amené à utiliser ces matériaux », raconte-t-il.
« Dimakpla » ou des enfants sans éducation
Les travaux de Gérard Tete sont habituellement des portraits d’enfants sans visage. Ses œuvres baptisées « Dimakpla » qui signifient en Mina « les enfants sans éducation » retracent les conditions de vie des enfants de rue. Son objectif : amener la population à tourner un regard favorable vers ces êtres souvent abandonnés à leur triste sort. Si Gérard Tete s’intéresse à ces enfants « marginaux », c’est parce que, dit-il, il a passé une bonne partie de sa vie avec eux. La différence, c’est dans le regard que l’on porte sur l’autre et la principale motivation du jeune artiste en faisant des enfants de rue, le principal sujet de ses œuvres, est d’amener les gens à porter un autre regard sur ces derniers. Et les couleurs qui s’entremêlent dans ses dessins véhiculent un message d’espoir pour ces âmes sensibles.
Cette technique de dessin, le jeune de 28 ans qui célèbre bientôt ses dix ans de carrière artistique l’a imaginée seul ; c’est ce qui fait d’ailleurs sa particularité. Vite repéré et sollicité pour participer à plusieurs expositions et festivals d’art à travers le monde, notamment au Togo, au Ghana, au Bénin, au Burkina Faso, en Italie, France et dans d’autres pays, il représentera dignement son pays et sera en même temps, l’avocat défenseur des enfants de rue, en sensibilisant partout sur les droits des enfants en général et en plaidant particulièrement leur cause. Même si ces occasions lui permettent de se faire connaître et de vendre plusieurs de ses tableaux, l’important pour lui n’est pas tant de vendre, mais de faire ce qui lui plaît. « Ce n’est pas le gain qui m’importe, c’est mon travail qui est essentiel. Tant que je suis satisfait de ce que je fais et je le suis, ça me suffit largement », précise t-il.
Un travail de fourmi
Pour réaliser ses œuvres d’art, l’artiste procède d'abord à la récupération des chaussures sur les décharges et en bordure de mer. Sa technique lui impose un travail très méticuleux et chronophage, et donc beaucoup de patience. « C’est un travail qui me prend beaucoup de temps. Je n’en produis pas assez parce que je travaille seul. Je vais d’abord chercher la matière sur les décharges. Je prends assez de temps pour réaliser ces œuvres », explique-t-il. En outre, souligne-t-il, les couleurs des chaussures ne sont pas choisies au hasard et certaines sont parfois difficiles à trouver.
Selon Gérard Tete, il est facile de deviner le rang social d’une personne à travers ses tongs. Ainsi, on peut découvrir des tongs neuves jetées dès qu’elles sont démodées ou légèrement usées. Mais aussi d’autres qui ont été plusieurs fois rafistolées par leurs propriétaires.
Pour se faire entendre, « Tesprit » passe par les réseaux sociaux, car pour lui, c’est là où tout a commencé. Le jeune artiste plasticien reçoit plusieurs demandes via son site web.
Il projette de créer plus tard un centre de formation pour recueillir les enfants de rue, les sortir de leur état de misère et les scolariser. « Les enfants de rue de mon pays constituent ma principale source d’inspiration », reconnaît-il
La rédaction