(Togo First) - Par cette belle matinée de jeudi 22 septembre, les vastes plateaux verdoyants de soja qui frappent, à perte de vue, Notsè, 90 km de Lomé, préfecture de Haho, sont les prémices de l’attrait de l’agro-industrie togolaise à l’échelle. Dans la cité éwé, l’une des parties chaudes de la culture communément appelée “viande du pauvre”, se joue une partition importante de la transformation agroalimentaire du Togo. Non seulement la zone permet de rendre compte des transformations qu’enregistre la filière soja, mais également elle révèle comment le pays, déjà positionné sur l'exportation du soja bio, s’affaire à renforcer la valeur ajoutée de cette culture. Désormais, mieux structurer les producteurs, leur apporter des ressources financières et techniques pour booster la production, et enclencher la dynamique de la transformation locale, ne sont plus de vains slogans.
A la manette, la PIA (Plateforme Industrielle d’Adétikopé) qui a repris le MIFA (Mécanisme Incitatif de Financement Agricole fondé sur le partage de risques), dispositif créé par le gouvernement togolais en juin 2018, pour fournir une garantie agricole aux producteurs, et les aider à structurer leur projet afin d’accéder au financement bancaire. Au Togo, les crédits bancaires à l’agriculture représentent encore moins de 1%, en raison de nombreux risques que les banques disent ne pas maîtriser. Et l’entrée de la PIA au capital du MIFA, permet désormais d’espérer. D’ailleurs, la PIA en soi, constitue un débouché potentiel pour les produits agricoles.
Les appuis sont apportés par Mifa, doté de 7 milliards FCFA, et la PIA qui porte en son sein, la plus grande usine de transformation de soja du pays, en voie d'opérationnalisation.
Booster le rendement
« On produisait par nos propres forces et les rendements à l’hectare étaient plutôt maigres, entre 300 et 500 kg à l’hectare, les techniques aussi nous faisaient défaut. Mais avec l'aide du MIFA, nous avons les techniciens qui sont à côté de nous, nous avons des formations sur comment mieux semer pour avoir beaucoup plus de soja sur les superficies que nous emblavons », indique notamment Kotchè Kofi Agabus, un sojaculteur de la localité d'Atitsohoe dans le Haho, rencontré sur le terrain par Togo First.
De même, la superficie cultivée par ces acteurs motivés par les revenus dans le secteur, a augmenté sur les dernières années. « Avant, j'avais 3 hectares, maintenant j'en ai 9 », ajoute le même producteur. « Aujourd'hui, avec l'appui de l’agrégateur E-GAB sous la conduite du Mifa-PIA, nous avons 1200 kg à l'hectare ».
En effet, les sojactulteurs sont accompagnés par des agrégateurs, dont le travail est de les concentrer en coopératives, leur fournir des semences et faciliter l’accès aux crédits, pour financer les cultures et les récoltes. En échange de quoi, leur production est rachetée après récolte. C’est le cas notamment de E-GAB Sarl (Entreprise et gestion agrobusiness).
L’objectif est désormais une production de 2 tonnes (2000 kg) à l’hectare. En ce sens, E-GAB mène des tests pour identifier des variétés plus résistantes et productives, ainsi que pour sélectionner des biofertilisants permettant d'accroître le rendement.
« Nous sommes partis de 30 hectares dans les années 2020 dans le secteur d'Atitsohoe, et nous sommes pratiquement à 200 hectares aujourd’hui », selon Bèrè Kouma Aklesso, DG d’E-Gab, créé en 2020, et qui accompagne les producteurs.
De plus, “aujourd'hui, nous avons près de 1400 producteurs, comparés à 2020, où nous étions seuls et sans accompagnement de Mifa-PIA, et où on avait 200 à 300 producteurs".
Pour ce qui est du rendement, “en termes de quantité de produits, en 2020, nous avons distribué seulement 4 tonnes de semences, contre 30 tonnes de semences reçues au niveau de MIFA-PIA, et nous mêmes avons mobilisé 12 tonnes de semences".
Pour près de 900 hectares emblavés, les sojaculteurs peuvent espérer près de 1800 tonnes de soja.
Au surplus, les bénéfices semblent au rendez-vous. Un petit sojaculteur d’Atitsohoe, membre du Comité villageois de Développement (CVD), revendique ainsi un chiffre d'affaires de plus de 700 000 FCFA sur 3 hectares lors de la campagne précédente.
Défis de manque de main d'œuvre et de mécanisation
Avec ces progrès, des défis demeurent cependant. Notamment le manque de main d'œuvre, et les défis pluviométriques. Et si le premier pousse les producteurs à tourner leurs regards vers la mécanisation, le second les oblige à envisager des espèces plus résistantes.
"Ce que nous demandons à PIA-MIFA, c'est de nous chercher des motoculteurs, des semeuses, comme ça, une seule personne pourra couvrir beaucoup de champs.", indique Kofi Agabus.
Togo Soja
Si ces soutiens techniques et financiers boostent la production, ils s'articulent avec des industries agro-alimentaires en cours d'implantation au sein de la PIA. En effet, l’autre objectif que le Togo s’est fixé, est surtout la transformation sur place. En ligne de mire, le lancement d'usines de transformation, déjà implantées sur la plateforme industrielle d’Adétikopé, premier client des agrégateurs de soja.
Avec un investissement total de 25 millions $ (environ 16 milliards FCFA), Togo Soja est le fer de lance de l'initiative, avec ses 2 unités de transformation du soja.
« La filière soja est l'une des filières porteuses dans notre pays, et donc avec les deux usines qui vont être installées sur cette plateforme, la capacité est d'environ 250 000 tonnes par an. S'il faut qu'on soit en mesure de livrer cette matière première à ces usines, il est indispensable que nous soyons capables d'accompagner ces acteurs afin que ces derniers puissent produire suffisamment, en quantité et en qualité, pour le développement de l'agro-industrie dans notre pays. », confie en ce sens, Aristide Agbossoumonde, DG du Mifa.
Togo Soja, réalisée à 98% selon les techniciens sur site, devrait entrer en activité au dernier trimestre de cette année. Il s’agira de produire non seulement de l’huile de soja, mais également des tourteaux et autres produits dérivés, qui serviront également de fertilisants aux producteurs.
« Le soja est à transformer sur place, pour produire de l'huile, des tourteaux et autres produits dérivés », indique Akaba Innocent, ingénieur superviseur de l’usine Togo Soja. L’usine emploiera quelque 300 ouvriers permanents sur site.
Le rendement journalier maximal attendu est évalué à 125 tonnes par jour, pour un rendement en produits bruts d'environ 680 tonnes par jour, selon la même source.
Pour le reste, le soja, dopé par un marché international toujours en demande, notamment vers l’Union Européenne (UE), attire davantage de producteurs, au point même de mener la concurrence à une autre culture de rente phare qu’est le coton. Les perspectives annoncées par la future usine de transformation, ainsi que l’attrait du marché du bio pour le soja togolais, devraient continuer d’en faire un secteur porteur, de plus en plus attractif pour les agriculteurs togolais. Une tendance qui se dessine également à travers l’évolution des superficies cultivées et la production, malgré les défis de pluviométrie et de main d’œuvre. Ainsi, la campagne 2016-2017 avait enregistré une production d’un peu plus de 39 000 tonnes, sur un peu plus de 60000 ha emblavés. Cette production va bondir sur les années suivantes, passant à environ 44 700 tonnes pour 66 772 ha emblavés pour 2018-2019, et à plus de 46 700 tonnes de produits pour la campagne 2019-2020, sur une superficie totale de près de 70 000 ha.
Ayi Renaud Dossavi