(Togo First) - Hermès. Il fait partie de cette diaspora qui connecte la terre de ses ancêtres à l’Europe. Particulièrement à la France où il a gravi les échelons, niveau collectivités locales, avant de revenir à ses rêves : motiver, inciter, conseiller les entreprises val-d'oisiennes à investir au Togo, et parfois, l’inverse. Le made in Togo, le consommer local, y compris le recrutement des compétences locales, plus qu’un leitmotiv est inscrit en lettre d’or chez Pascal Ayayi Creppy (PAC), patron de 3 C Conseil, initiateur de l'association « Dynamique Togo Val d'Oise », digne fils togolais à la verve intarissable. Interview.
Togo First : Vous opérez sur le segment des activités de conseil en affaires intégrant une clause sociale d’insertion RSE. Qu’est-ce que cela signifie ?
Pascal Ayayi Creppy (PAC) : Mon métier de conseil en affaires consiste à conseiller et former des entreprises du Val d'Oise depuis 5 ans (depuis 2 mois le Rhône) à commercer avec le Togo. Concrètement, je traite des liens d’affaires entre les entreprises du Val d’Oise (France) et celles du Togo, afin qu’elles puissent faire des affaires ensemble.
Je suis facilitateur, le messager entre les entreprises de ces 2 univers dont la volonté de collaborer n’est plus à démontrer. Cependant, je considère que ces échanges doivent s'effectuer de manière pratique, dans un cadre de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE). Pour ma part, cette RSE se matérialise avec une clause sociale d'insertion qui vise à créer de l'emploi. Ainsi, j’incite les entreprises que j'amène à recruter local.
Concrètement, nous mettons un avenant, un petit contrat à côté, qui invite ces entreprises à recruter des Togolais. Bien évidemment, le terrain doit être balisé en amont. Par exemple, j’identifie auprès de l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi), les recruteurs locaux ou les publics, les demandeurs d’emploi capables de travailler sur les compétences demandées par ces employeurs. C’est un métier. Et ça marche !
Togo First : Quelles sont les entreprises présentes ici au Togo qui sont nées de votre activité?
PAC : Pour l’instant, je n’ai pas encore apporté de grosses structures. C’est essentiellement des porteurs de projet, des petites structures ou des PME. La première entreprise, fruit de mon activité de conseil, est dans la formation industrielle, la seconde dans la sécurité maritime, la troisième dans le métier des services. Une autre opère dans le secteur du transport de colis entre le Togo et la région lyonnaise. Il y en a une qui est dans l’agropastorale dans la région de Glei à Atakpamé. Je m’en voudrais de ne pas parler de ma plus grosse fierté. Elle opère dans le domaine de la photocopie. C’est une entreprise qui a réussi à employer beaucoup de Togolais en personnel permanent. Elle a recruté local, de la direction commerciale aux directions informatique et financière.
Nous avons fait du social dans le cadre de ces structures ; par exemple, nous avons offert une photocopieuse à une école publique qui n’avait pas les moyens de s’en acheter.
Togo First : L’objectif que vous vous êtes assigné est de permettre aux Togolais d’avoir de l’emploi. Quid de la compétence de ceux que vous recrutez ? Parce que la question de la compétence se pose très souvent lorsque les multinationales descendent dans les pays les moins avancés. Comment résout-on le problème de l’adéquation ?
PAC : Si vous permettez, je vais rectifier. Mon seul objectif n’est pas de faire du social ou de la responsabilité sociale. Ce n’est qu’un de mes objectifs. Mon activité principale est commerciale qui est une invention humaine et sociale. Ce sont des affaires avec une approche humaniste, sociale et durable.
Pour la problématique de la compétence, elle n’est pas propre au Togo. Tu peux rencontrer en Europe ou en Amérique, des gens qui ne sont pas compétents. Mon rôle est d’amener le chef d’entreprise à mon concept, mon modèle de business, à revoir ses critères de recrutement dans un environnement où il ne peut pas trouver le mouton à 5 ou 10 pattes, c’est-à-dire le candidat qui a tout.
La plupart des entreprises a des modèles-types de recrutement. On veut telle personne née à tel endroit, qui a fréquenté telle école, avec telle compétence et qui parle trois langues. Sur le poste ou la mission à confier, on n’a généralement pas toujours besoin de tous ces prérequis ou toutes ces qualités pour travailler.
J’ai rencontré des assistantes de direction ou des secrétaires pour lesquelles, on a demandé la maîtrise de l’anglais, de l’allemand et de l’italien alors que l’entreprise n’opère pas à l’international. Cela n’a aucun sens. Ma mission est de les amener à revoir tous ces critères. Les candidats ne répondent pas aux annonces dès qu’ils se rendent compte qu’ils doivent répondre à une litanie de critères.
La seconde chose est que lorsque je demande aux multinationales de recruter local, je le fais de manière intelligente. Car, après tout, c’est le Chef d’entreprise qui a le dernier mot. Concrètement, j’identifie les différents postes concernés et je vérifie dans le bassin de l’emploi local, si on a des compétences qui y correspondent. Si personne ne répond aux critères, je laisse l’entreprise faire.
Toutefois, je tiens à préciser qu’il y a bien des universités dans ce pays et des gens qui sont y formés sur des normes internationales. Comme il y a aussi des personnes qui ont besoin d’un cadre pour compléter leur formation. Ce sont des choses à mettre en œuvre avec l’entreprise en matière de formation ou de mise à niveau.
Togo First : Comment on arrive à défier les lois du marché pour propulser son activité quand on exerce dans le conseil en affaires, un métier peu connu dans les pays en développement ?
PAC : Ce n’est pas évident au départ. Le conseil dans nos pays n’est pas encore connu. Dans un premier temps, il faut aller, humblement et modestement, se faire connaitre. Il n’y a que par des résultats qu’on arrive à poser, petit à petit, ses marques. Un petit contrat, un second qui débouche sur un autre.
La difficulté est de pouvoir monnayer le conseil. C’est mieux quand il s’agit de grandes entreprises mais là encore...
Il faut cultiver les graines et entretenir son relationnel, son lobbying. Il faut accepter de ne pas beaucoup gagner au départ. A mes débuts, j'ai dû former, enseigner, animer des séminaires parallèlement pour faire connaître et expliquer le métier du conseil, la particularité du Val d'Oise avec le Togo dans le cadre d'une coopération décentralisée.
Le mot « affaires » a une connotation péjorative qui laisse penser qu’on fait des choses illicites. Nous, notre rôle est aussi d’expliquer qu’on peut faire les choses, selon une certaine éthique. C’est d’ailleurs ce qu’essaie de mettre en place la secrétaire d’Etat en charge du climat des affaires : instaurer un climat de confiance.
Togo First : Vous venez de participer au 1er FETUE. Quelle est votre appréciation de cette initiative ?
PAC : Une excellente initiative, même si moi-même je n'y croyais pas au départ. Tout le monde est d’accord que c’est une belle initiative. Un véritable moyen de faire la promotion du pays en général, de ses politiques, entreprises etc. On a pu se mettre d’accord sur le fait que l’évènement des 13 et 14 juin derniers, a réussi. Tout a été top. L'événement a réussi aussi bien dans le pilotage par Mme le ministre en charge du climat des affaires, Sandra Johnson, que dans la communication par le Moci (Moniteur du Commerce international) de France. C’était un bon show d'affaires à l'européenne. Un forum à l’image de ce qui se fait dans les grands pays, à l’échelle de l’Europe.
Togo First : Quel est votre bilan personnel à ce forum ?
PAC : Je suis allé au forum avec une double casquette : patron de ma structure de conseil (3 C Conseil, ndlr) et président de l’association dynamique Togo-Val d’Oise que j’ai récemment initiée. Au niveau de ma structure, le forum a permis d’enrichir mon carnet d’adresses avec surtout ceux qui sont venus de l’international : entreprises, institutionnels, personnalités de l’ODCE etc…
Le plus fort a été au niveau de l’association. C’était l’opportunité de nous faire connaître. On avait un stand et on a enregistré énormément de passages. On a permis à des jeunes Togolais, membres de notre association de présenter leur business et leurs produits Made in Togo.
Au départ il y a 5 ans, l'idée était d'amener des chefs d'entreprise du Val d'Oise à investir et à y faire du business. Aujourd'hui, des jeunes entrepreneurs togolais veulent conquérir les marchés Val d'Oisiens et du Rhône Alpes Auvergne. Avec des produits made in Togo, des entreprises comme Never Die, Neo Liquors, Colis Expres...., de réelles perspectives sont en train d'être ouvertes depuis le forum Togo-Ue dans l’ananas, le beurre de karité, le jus de fruit bio haut de gamme, etc.
En termes d'activité, nous avons sensibilisé et formé des entrepreneurs à faire de l'international avec le val d'Oise et depuis quelques semaines avec le Rhône Alpes.
On a appris une bonne nouvelle au forum. Le Togo va recevoir des financements de l’UE pour créer ou aider des entreprises locales dans les certifications ou les facilitations dans l’export, par exemple.
Comme je le disais, je suis l'initiateur et président du l'association Dynamique Togo Val d'Oise. Les piliers qui me soutiennent sont Mme Solim Kpimsie de Never Die, Monsieur Homawoo de l'entreprise Néo Liquors, Mme Ouédraogo, Mr Anani, informaticien. Ils ont été formés à faire l'international. Ils ont énormément préparé leur participation active à ce forum qui leur a permis de commercialiser leurs produits sur place.
Un entrepreneur dans l'équipe a même obtenu un contrat ponctuel en informatique de 3 jours auprès d'un dirigeant de passage à Lomé pour ce forum Togo-Ue. Ils ont pu tisser créer des liens entre entrepreneurs du Val d'Oise (Trinita Company Group) et du Rhône (Edouard Lorente, lobbyste en affaires) venus au forum. Des négociations ont lieu après le forum pour des échanges commerciaux entre ces derniers et le Togo.
Togo First : Que pensez-vous de la stratégie utilisée : lancer un appel à projets pour recruter une centaine de projets qui sont allés ensuite conquérir plus de 800 milliards FCFA ?
PAC : Je trouve cette démarche très intéressante. C’est la partie la plus concrète et visible du forum. Il faut donner des opportunités aux porteurs de projets et entrepreneurs locaux de montrer leur savoir-faire à des potentiels investisseurs. Ces entrepreneurs sont parfois isolés et bénéficient de micro-financements institutionnels mais cela ne suffit pas. Il faut un réseau, un carnet d’adresses et de l’expérience.
Togo First : 852 milliards de promesses. Comment passer de l’étape de promesse à l’effectivité de leur mobilisation ?
PAC : Pour l’entrepreneur, il n’y a que par l’aspect commercial, le relationnel, le chiffre d’affaires, la démarcation dans l’offre, le lobbying de qualité, le non-isolement, l’acceptation de se faire accompagner par des autorités locales et de se faire identifier par les financeurs.
Togo First : Le PND a pour ambition de transformer structurellement le Togo avec 65% des investissements qui repose sur le secteur privé. Quel est le point fort de ce programme ?
PAC : Je le trouve bien et ambitieux. A un moment, il faut le faire. On ne peut pas toujours naviguer à vue. Il faut avoir une vision. Ce que j’ai le plus apprécié est qu’ils aient réussi à définir les secteurs prioritaires en matière d’investissement. L’agriculture, les industries et les emplois, l’énergie, sont au centre des projets d’investissement.
Togo First : Pensez-vous qu’avec la mise en œuvre des axes du PND, le Togo s’inscrit dans la dynamique de l’émergence ?
PAC : La question qui se pose est juste le financement. On n’est pas encore assez financés. Il faut aller voir les investisseurs, les fonds. Il faut trouver de l’argent pour le (PND, ndlr) financer. Si on y arrive, oui on réussira. Bien évidemment, le financement seul ne fera pas l’affaire. Il faut aussi, et surtout, des hommes. Mais, le financement est capital pour la réalisation du PND. Revenant aux ressources humaines, il faut que les autorités s’entourent des gens qui savent développer une économie. C’est un métier. On aura besoin des développeurs d’entreprises et d’emploi.
Togo First : Quels sont les pièges à éviter dans la mise en œuvre du PND, selon vous ?
PAC : Le Togo a connu une période difficile des années 90 à 2000 où on était sous embargo. Nous n’avions quasiment plus de bailleurs de fonds. Tout est maintenant revenu dans l’ordre. Le dialogue a été renoué. Il faudra donc continuer à travailler dans ce sens, pour que cela ne s’arrête pas et que les financements affluent.
Il y a déjà des réformes, avec l’amélioration du climat des affaires et tout ce qui va avec pour rendre le pays attractif. Il faut poursuivre et accentuer les efforts. Ne pas casser la dynamique en retournant dans les crises. A chaque crise, il faut reconstruire ce qui a été cassé, remobiliser la population, les bailleurs, les énergies et tout. Il faut de la stabilité pour construire sur la durée. Il y a souvent eu une crise de confiance entre la population et le gouvernement. Si elle (Confiance, ndlr) revient, tout ira bien.
Togo First : Vous parliez des réformes du climat des affaires. Pensez-vous que les prestations fournies par l’administration publique se soient améliorées ces dernières années ?
PAC : Pour être honnête, nos services publics ont évolué grâce à la dynamique de l'amélioration du climat des affaires. Grâce aux réformes, on peut désormais créer facilement et simplement une entreprise. Aujourd’hui, on peut rencontrer plus facilement les autorités pour échanger sur les possibilités d’investissement.
Néanmoins, c'est important que la paix individuelle revienne afin que chaque Togolais puisse accompagner le Togo vers l'émergence économique. Sans l'économie, la société n'est rien. Sans l'homme, la société n'est rien.
Le travail du ministre Johnson (Sandra Johnson, ndlr) au secrétariat en charge du climat des affaires, dans ce sens, est innovant, nécessaire et tendance. Elle et son équipe arrivent à concilier le développement des affaires avec une certaine éthique. Des ambitions et paris à encourager.
Togo First : Quels sont vos prochains défis au Togo ?
PAC : L’association Togo-Val d’Oise et Rhône-Alpes va accompagner les opérateurs économiques togolais à nouer des relations d’affaires, intensifier ses activités et profiter des opportunités issues du forum. Nous comptons faire venir des investisseurs français au pays et aller, avec d’autres, dans la mesure du possible, dans l’hexagone. Nous allons surtout développer le commerce équitable, un concept qui promeut des échanges honnêtes et valorisants entre les différents partenaires.
Interview réalisée par Fiacre E. Kakpo