(Togo First) - Près d’un mois après avoir enregistré l’arrivée d’un nouveau ministre et le détachement du ministère de l’accès universel du portefeuille de la santé, le gouvernement, réuni en conseil des ministres, mercredi 4 octobre 2023, a marqué un tournant décisif dans le déploiement de l'Assurance Maladie Universelle (AMU), projet phare attendu pour le 1er janvier 2024. Sous l'égide du Président de la République, les ministres ont adopté une série de décrets structurants de ce régime d'assurance, dans une démarche visant à "garantir un accès élargi aux soins pour la population".
Instituée depuis octobre 2021, l'AMU devrait ainsi entrer dans une phase opérationnelle avec l'adoption de ces décrets. Ces derniers permettent à l'organisme de gestion de l'AMU, initialement confié à l’INAM, de disposer des instruments juridiques nécessaires pour amorcer efficacement la mise en œuvre de ce régime d'assurance, assure Lomé.
Le premier décret rendu, fixe le panier de soins de référence pour les salariés des secteurs public et privé. “La prise de ce décret permet d’assurer un accès équitable aux soins de santé essentiels aux différentes couches de la population à travers l’assurance maladie universelle”, a indiqué le gouvernement dans son communiqué. Trois catégories de bénéficiaires se dessinent : les agents publics et assimilés, les travailleurs du secteur privé, et les personnes vulnérables. Une option supplémentaire s'offre aux affiliés, avec la possibilité de souscrire à des paniers de soins complémentaires.
Dans un souci d'efficacité et de proximité, un autre décret encadre le cadre contractuel entre les organismes de gestion de l'AMU et les organismes gestionnaires délégués. Une délégation de compétences envisagée pour accroître l'efficacité des prestations et rapprocher les services des usagers.
Sur le volet financier, un décret important fixe les taux, montants et modalités de recouvrement des cotisations sociales. Il précise l'assiette et les taux des cotisations sociales, en tenant compte des particularités de chaque catégorie d'assujettis, précise l’exécutif togolais. Pour les personnes vulnérables, une contribution mensuelle forfaitaire sera proposée, dont le montant devrait être fixé ultérieurement, apprend-on.
Les défis
Cependant, la mise en œuvre de cette initiative se heurte à des défis majeurs. Selon diverses analyses, le Togo fait face à une pénurie de personnel médical qualifié et d’infrastructures sanitaires, bien que ces dernières années, le gouvernement se soit lancé dans un vaste programme de réhabilitation, d’équipement et de construction d’hôpitaux dans toutes les cinq régions du pays.
En 2022, plusieurs projets notables ont été lancés. Dans le cadre du projet Services de Santé Essentiels de Qualité pour la Couverture Sanitaire Universelle (SSEQCU), il est ainsi prévu la construction de 200 structures de soins de santé primaires, la réhabilitation de 300 autres, et l’équipement de 500 centres de soins de santé primaires. Ceci, en plus des initiatives déjà en cours comme la vaccination et la prise en charge des femmes enceintes (programme Wezou) et des écoliers (School Assur).
Et ce n’est pas tout. Un projet majeur vise la construction de centres modernes de soins Mère-Enfant dans les cinq régions sanitaires du Togo, grâce à un partenariat entre l'Institut national d'assurance maladie (INAM) et un partenaire privé. Sur le plan infrastructurel toujours, des projets de modernisation des CHR, et la construction d’un centre national de lutte contre le cancer sont également « dans le pipe », indiquent les autorités togolaises.
Mais, l'absence d'un registre social unique constitue une autre paire de manches. Certes, le gouvernement a récemment repris le projet d'un Régime Social Unique (RSU), qui vise à faciliter l'inclusion sociale, une étape préliminaire essentielle pour l'AMU, mais le recensement n’a toujours pas commencé. Le gouvernement a de fait annoncé que le lancement du recensement qui sera biométrique était prévu ce dernier trimestre. Actuellement, selon le Bureau international du travail (BIT), seule une fraction de la population, soit 23%, bénéficie d'une prestation de protection sociale, révélant un déficit d'inclusion à adresser.
Le financement de l’AMU représente également un autre écueil. Bien que la Banque Mondiale ait alloué 70 millions de dollars pour aider le Togo à étendre la couverture sanitaire, la mobilisation des ressources locales et internationales demeure cruciale. Un défi que le gouvernement compte prendre à bras-le-corps, en plus de la sensibilisation dans un pays où le taux de pénétration de l’assurance reste faible. “La réussite de l’accélération du processus de l’AMU dans notre pays nécessite la collaboration et l’implication de tous : acteurs sociaux, pouvoirs publics, citoyens et partenaires techniques et financiers du Togo”, souligne le relevé du conseil des ministres.
Fiacre E. Kakpo