« Inventif », « innovant », « pratique » et surtout « écolo », les qualificatifs ne manquent pas à la vue du Civic Bag, le sac écologique togolais entièrement recyclé, fait à base de papier ciment. Devenu personnalisable, avec plus de sept tailles différentes selon l’usage souhaité, le sac est sans doute le symbole le plus palpable de la contribution des entrepreneurs togolais au bien-être économique et social. Togo First est allé à la rencontre de son père, Achille Noussia (photo à droite) qui a accepté de retracer l’histoire de ce produit innovant, outil commercial et publicitaire.
Interview.
Togo First : comment a démarré l’aventure Civic Bag ?
Achille Noussia : Elle a démarré le 16 décembre 2016. Le concept au départ était plus une contribution citoyenne destinée à trouver une solution sinon une alternative durable à la problématique des sachets plastiques non-dégradables qui abondaient à chaque coin de rue.
Nous sommes donc partis avec une matière première que beaucoup de Togolais connaissent, le papier ciment. On pouvait choisir une autre matière, disons plus propre, mais il fallait quelque chose qui frappe, qui retienne l’attention, qui a une histoire avec le citoyen. C’est là que l’idée de choisir le papier ciment, utilisé depuis toujours par nos mères pour emballer nos beignets, galettes, brochettes et autres aliments, a germé. Du coup, le défi était plus, de redonner une autre image de ce papier ciment. Il fallait le personnaliser, lui ajouter une plus-value et montrer aux gens que ce que l’on pouvait faire avec le papier utilisé pour confectionner des sacs, on pouvait le faire aussi avec du papier ciment.
Nous avions donc commencé et nous faisions notre com sur les réseaux sociaux. L’année suivante, l’équipe s’est agrandie et nous travaillions ensemble sur les quelques commandes que nous recevions. Ce n’était pas vraiment ça mais bon…
T.F : avez-vous obtenu un appui institutionnel ?
A.N : je suis allé voir le ministre de l’Environnement (André Johnson, ndlr) pour lui présenter le concept et lui expliquer que c’était une participation citoyenne. Il s’est montré émerveillé et a encouragé l’initiative.
Je me suis également approché de quelques chancelleries et représentations diplomatiques basées à Lomé pour leur présenter le produit. J’ai été reçu par l’ambassadeur d’Allemagne avec qui j’ai pu échanger.
En mars ou avril 2017, j’ai été contacté par un ami qui m’informait de la tenue d’une compétition pour entrepreneurs à Lomé et qui souhaitait que je participe. Il s’agissait du concours de start-up organisé dans le cadre du Forum international pour le développement (FIDEA 2017).
C’est vrai qu’avant de me lancer dans l’aventure Civic bag, j’étais déjà entrepreneur. J’avais une petite structure qui évoluait dans le marketing. Je collaborais également avec des amis sur Civic Lab, une initiative destinée à développer des solutions tech. J’ai donc participé à ce concours et quelques temps après, on m’a annoncé que je faisais partie des 10 meilleurs sélectionnés pour une séance ultime de pitch à l’issue de laquelle, le vainqueur serait choisi. Ainsi le 26 mai 2017, nous avons été sacrés lauréats de ce prix. Il n’y avait pas de récompense en espèces mais un accompagnement en communication et en coaching. C’est ce qui nous a vraiment lancé parce que j’avais certes foi en ce projet, mais je n’avais pas prévu un développement aussi rapide.
D’autres prix ont suivi, notamment le Forum socio-économique pour le développement (FOSED-kpékpé 2017), le Prix jeune entrepreneur influent de l’année 2017, etc.
T.F : 2018, l’année de la confirmation ?
A.N : Effectivement. Les commandes pleuvaient. Les gens ne voulaient plus seulement du papier ciment mais aussi d’autres types de sacs et là, nous avons repensé un peu notre business model. Nous personnalisions désormais les sacs, nous refaisions carrément le design. Nous en faisions donc pour des salons thé ou des boulangeries, et des sacs en couleur avec des motifs.
T.F : comment Civic Bag se fournit-il en papier ciment ?
A.N : Nous nous approvisionnons auprès des maçons constructeurs, des briqueteries, et auprès des particuliers qui en disposent. Nous sommes en bons termes avec les différents acteurs du recyclage mais nous n’avons pas encore un partenariat formel avec eux.
T.F : comment se passe la transformation du papier ciment en sac? Décrivez-nous le processus.
A.N : Après la collecte du papier ciment, nous procédons au traitement. On fait ensuite la coupe des plans qui doivent servir à faire le sac. Si le sac est à personnaliser, on procède à l'impression. Après cela, on procède au façonnage et à la finition enfin.
T.F : 2 ans après le début de l'aventure, que donne Civic Bag en chiffres ?
A.N : En 2 ans d'activité, nous avons produit environ 44 900 sacs et emballages confondus. Nous avons recyclé 26 000 paquets de ciments. L'impact de CivicBag a permis d'épargner à l'environnement, 5 388 000 sachets plastiques non biodégradables.
CivicBag emploie de façon permanente 4 personnes et 2 autres à temps partiel. Nous avons gagné 4 distinctions.
T.F : des perspectives ?
A.N : S’équiper en machines. Notre production est encore largement manuelle et vous comprenez qu’elle nous retarde un peu alors que la demande devient de plus en plus forte. Cela augmentera la capacité de production et réduira les coûts. L’objectif est que Civic Bag soit dans tous les marchés du Togo.
Interview réalisée par Octave A. Bruce et Renaud Ayi Dossavi