(Togo First) - S’il n’est pas référencé dans la liste des vignobles du monde ni du continent, le Togo peut tout de même revendiquer depuis quelques années, l’éclosion de quelques jeunes pousses attirées par les effluves de la vinification. L’une d’entre elles, Kagni Kodjo, à la tête de son entreprise African’s Head, s’est positionnée sur un secteur original : transformer les fruits en vins. Et ça marche !
Debout dans le stand de la seconde édition du Marché international de l’artisanat du Togo (Miato II, 23 mars au 3 avril dernier, ndlr) où il a pris ses quartiers en cette reprise des activités foraines à Lomé, le jeune entrepreneur répète invariablement le même procédé : inviter le visiteur, lui présenter brièvement le breuvage contenu dans l’une des bouteilles étiquetées Kr’ina, lui proposer une dégustation et le convaincre d’en emporter une.
L’exercice, Kagni Kodjo l’a répété un nombre incalculable de fois déjà, au gré des foires, expositions et événements où il s’est invité, afin de mieux faire connaître au public, ses fruités. Car l’idylle entre le jeune trentenaire et les vins à base de fruits ne date pas de la veille. “J’aime tellement les fruits, et ce, depuis ma tendre enfance”, explique-t-il.
Le déclic
Son entrée dans le monde estudiantin n’y changera rien. Mieux, son parcours en agronomie phytosanitaire, couplée à une intégration à une association, lui donne la possibilité de suivre une formation en fermentation de boisson naturelle faite à base de champignons. La méthode, qu’il essaiera avec des fruits, représente le déclic.
“J’ai constaté après une fermentation du bissap que le goût ressemblait à celui du vin. C’est de là qu’est née l’idée de faire un vin purement à base du bissap. Après, nous l’avons amélioré en y ajoutant des additifs naturels de légumes et essayé avec des fruits”, confie-t-il.
Définitivement séduit, il décide d’essayer la vinification, exclusivement à partir de produits locaux. A la foire des jeunes entrepreneurs Adjafi (événement annuel qui se déroule à Lomé, ndlr), il présente quelques échantillons de ses produits et décroche avec ses camarades de l’Université, le premier prix du concours Pépites d'or.
Ce premier pactole lui ouvre les portes d’un accompagnement du Fonds d’appui aux initiatives économiques des jeunes (FAIEJ). Le mécanisme gouvernemental lui octroie dans la foulée, une subvention de 2 millions FCFA. Dans le même temps, il démarre une période d’incubation de deux ans au centre Innov’up. Le voilà définitivement lancé.
Débuts timides
Si son entreprise voit le jour, les débuts ne sont pas aussi rêvés qu’escomptés. “Au début, ça a été difficile parce que nous avons tous connu le vin avec du raisin”, avoue Kagni. De façon brusque, on vous dit qu’on peut faire du vin avec du bissap ou telle chose. On a fait beaucoup d’efforts avant que les gens ne commencent à croire avant de goûter”.
Mais, armé de ses pintes de dégustation, le vigneron togolais use de persévérance et de persuasion pour convaincre les plus sceptiques. “Aujourd’hui, beaucoup apprécient. Nous avons réussi le pari de démystifier le vin à base de raisin", se réjouit-il.
Compositeur de goûts et formateur
Désormais connu, Kagni ose un peu plus. Le patron d’African’s Head essaie des formules et compose des vins avec 3 ou 4 produits. L'objectif est de varier les goûts et proposer une large palette de produits à ses clients. “Actuellement, je suis un formulateur en production de vin à base des fruits et des légumes”, embraye-t-il.
Surtout, il décide de partager ses expériences et transmettre ses compétences à d’autres jeunes. Une façon d’encourager l’entrepreneuriat.
400 bouteilles par mois…, cap sur l’industrialisation
D’un seul bidon de 25 litres, le producteur de vins locaux à base de fruits et de légumes locaux est passé aujourd’hui à deux cuves de fermentation de 350 litres et de 150 litres. ‘‘J’ai commencé avec 30 bouteilles, après on est passé à 50 puis à 100. Actuellement, on est à une capacité de 400 bouteilles par mois. Nous arrivons à dépasser cette capacité en cas de grands événements’’, affirme celui qui est surnommé par ses proches Egato 1er.
L’ambition est désormais d’industrialiser le projet et de le porter à une autre échelle. “Il est temps que d'ici deux ans, on puisse avoir une industrie de transformation des fruits et des légumes en main avec des machines adéquates pour que le produit fini soit plus raffiné”, estime-t-il. Et puisque le rêve est permis, le jeune patron se voit bien doubler ou tripler la production dans les prochaines années pour satisfaire toutes les demandes.
En attendant, Kagni Kodjo continue de faire goûter son nectar à qui le veut.
Octave A. Bruce