(Togo First) - Elom Kpelly fait partie de cette nouvelle vague de jeunes entrepreneurs africains expatriés, rentrés en Afrique avec la soif de rompre les chaînes d’importation de produits finis ou préfinis dont les matières premières partent pourtant du continent.
Comme cheval de bataille, il a choisi le café. Le sommelier, déçu du produit importé qu’on lui servait durant ses séjours à Lomé, lance King Café courant 2018, une marque de café en capsule produite localement. Le début d’une aventure pour l’étudiant diplômé en entrepreneuriat de la Chambre de commerce de Milan.
Lorsque Elom Kpelly décide de s’investir dans la transformation locale du robusta, le jeune entrepreneur, propriétaire d’une laverie et d’une boutique de prêt-à-porter, est déjà un fin connaisseur des défis du monde entrepreneurial, encore mieux d’un secteur où de grosses enseignes comme Nescafé ont une solide assise.
Dès le départ, le jeune voit grand. Il a déjà en tête de créer et maîtriser de bout en bout, toute la chaîne de valeurs café, des plantations à la tasse, en passant par la fabrication de machines à café. Cette ambition va amener Elom à nouer des partenariats avec des producteurs. Ils vont construire ainsi progressivement la chaîne de production qui prend source à près de 250 km de Lomé dans la préfecture du Wawa, un des greniers du café togolais. La toute jeune entreprise y collabore avec environ 260 producteurs, répartis en 25 coopératives. Entre les deux parties, les choses sont simples, Leon King Coffee (la start-up détentrice de la marque King Café) offre aux producteurs une assistance technique, en retour, ces derniers lui vendent exclusivement l’ensemble de leurs productions au prix bord champ.
“Nous ne nous sommes pas seulement positionnés sur la transformation, nous allons au-delà et pour être à tous les niveaux de la chaîne. Depuis le champ, le triage, la mise en capsule et la distribution", se satisfait Elom Kpelly.
Le choix de cette localité et de ses producteurs n’est en rien anodin. Cette région est réputée pour la vieillesse de ses plantations qui préserve une authenticité des plants et confère une certaine qualité aux graines de café. “Il s’agit d’un café robusta de vieux plants, particulièrement apprécié sur le plan international. Ce qui nous permet de mettre 100% de café robusta dans une capsule pour avoir un goût particulier. Nous réalisons aussi des capsules de mélange robusta-arabica”, explique Elom.
A la récolte, les graines de café sont acheminées vers Lomé et la petite unité industrielle qui y a été installée. Là, elles sont triées et réparties en grades, selon les critères de qualité. Torréfiées, elles sont ensuite moulues et mises en capsules.
Dans cette très petite industrie située dans la banlieue ouest de Lomé, les machines qui servent à torréfier le café ont été entièrement conçues au Togo. Elles sont capables de réaliser une torréfaction toutes les 15 à 20 minutes. Même si le jeune entrepreneur en est très fier, ces machines seront bientôt remplacées, besoin de croissance technologique oblige, par des européennes plus efficaces. “Avec un torréfacteur européen, nous aurons une torréfaction plus homogène du café avec un arôme plus poussé”
La réponse à la concurrence locale
Quand Elom Kpelly lance sa boîte en 2018, il n'est pas le premier producteur-transformateur de café au Togo. Avant lui, plusieurs entreprises proposaient déjà du café moulu produit localement. L’entrepreneur se devait donc d’offrir un produit à valeur ajoutée et de trouver un positionnement original.
“Nous avons fait une étude de marché et avons compris qu’il fallait aller plus loin, proposer un produit innovant et de meilleure qualité. Nous nous sommes démarqués en proposant des capsules compatibles Nespresso et Dolce Gusto”, nous explique Elom Kpelly avant d’ajouter, “Cela veut dire projeter la consommation du café dans les cafetières, machines technologiques rapides qui donnent beaucoup plus de qualité dans la tasse par rapport à ce que les gens ont été habitués à boire en termes de café. Donc je peux dire que King Café est unique en son genre au Togo et un des pionniers du café en capsule en Afrique de l’ouest.”
Cette approche de la consommation du café fait sens avec la clientèle ciblée par la jeune pousse. En effet, dans un pays où l’usage des machines à café par des particuliers est très peu répandu, King Café s’est tourné vers les grandes entreprises, les hôtels et les restaurants. “Ce sont les principaux espaces de consommation du café et leurs retours sont bénéfiques pour l’amélioration du produit”, souligne-t-il.
Cependant, l’entrepreneur et ses collaborateurs ont un plan pour vulgariser l’usage des machines à café. Labelliser et distribuer leur propre machine dont le prototype existe déjà et qui, assure le promoteur, “sera produite dans les prochains mois, et sera à coût réduit par rapport aux cafetières d’autres marques”. Comme l’ensemble du tissu économique, et les TPME en particulier, King Café a été touché par la conjoncture économique morose provoquée par la pandémie liée à la covid-19. Le chiffre d'affaires de la jeune entreprise aux clients hôteliers et restaurateurs, s’est effrité, tombant en deçà des prévisions de début 2020. Mais, Elom Kpelly espère que sa future cafetière, en plus de simplifier la vie des consommateurs, permettra une croissance des ventes des capsules King Café.
500 millions FCFA pour monter une usine de transformation de café et cacao
Néanmoins, tout ne semble pas si négatif pour le promoteur qui, avec la reprise de l’économie cette année, a pu écouler autour de 20 mille boîtes de 10 capsules. Ce qui correspond à peu près à une production de 2 tonnes de café. Pour 2022, il espère multiplier ces chiffres par trois, en relevant notamment le défi de la conquête du marché sous-régional.
Si elle a fragilisé les économies, la crise pandémique a soigné les certitudes d’Elom Kpelly, convaincu de l’urgence de créer des chaînes de valeurs intégrées sur le continent pour être moins dépendant des chocs externes. Conviction qu’il tient d’un premier diplôme universitaire en économie industrielle. “Il faut développer les économies africaines de sorte qu'elles soient autonomes et indépendantes de n’importe quelle pandémie future ou d’une autre situation de crise économique mondiale”, clame-t-il.
C’est aussi cette vision des économies africaines, industrialisées et pleinement indépendantes, qui motive son plus grand projet, la mise en place, d’ici fin 2022, d’une usine complète de transformation de café et de cacao à Badou, dans le Wawa. Tout près des plantations. “Il s'agira d’un investissement de près de 500 millions FCFA sur lequel des partenaires financiers se positionnent déjà”, nous a t-il confié, avant de renchérir, “Cette unité industrielle nous permettra d’arriver à transformer à partir de fin 2023, 20 tonnes de café par an à mettre sur le marché togolais et le marché sous-régional.”
Klétus Situ