(Togo First) - Un euro équivalait à moins d’un dollar, mardi 23 août. Ce seuil jamais atteint depuis la mise en circulation de la monnaie unique européenne à laquelle est arrimé le CFA, la monnaie que le Togo partage avec une dizaine autres pays d’Afrique de l’Ouest et du centre, jette un coup de froid sur l’économie de ces pays. En ligne de mire, les importations et le remboursement de la dette extérieure sur un continent où la compétitivité des exportations est encore loin du compte.
Des importations plus chères
Pour les pays africains qui doivent faire face à une crise inflationniste massivement importée en raison d’abord de la crise sanitaire liée à la Covid-19, puis accentuée par la crise entre la Russie et l’Ukraine, c’est une double mauvaise nouvelle.
Primo, la facture des importations, rythmée par la flambée des cours énergétiques, les coûts du fret et l’envolée des prix des produits alimentaires, s’annonce plus que salée, du fait que ces achats extérieurs s’effectuent majoritairement en $.
Pour le Togo, c’est déjà le cas de la facture énergétique, qui seulement entre janvier et décembre 2021, avait déjà augmenté de plus de 50%. Cette facture s’est d’ailleurs corsée davantage ce premier semestre 2022, avec la guerre en Ukraine.
Pression limitée sur le service de la dette
Mais une autre pression ambiante point à l’horizon. Alors que la dette africaine est déjà sur la sellette ces dernières années, l’affaiblissement de l’euro auquel est arrimé le CFA, en parité fixe, pour les pays de la zone franc, pourrait engendrer des conséquences destructrices pour les pays africains. Un dollar plus fort induit des remboursements du service de la dette plus importants pour les pays de cette zone, notamment ceux dont l’exposition au billet vert est forte.
Même au Togo où le cocktail est moins explosif, les risques ne sont pas dissipés, d’autant que ces années, le pays a réorienté sa stratégie d’endettement, avec comme ambition de relever la part de sa dette extérieure dans la composition de la dette publique. De 2018 à mars 2022, la dette extérieure est ainsi passée de 600 milliards à 1 064 milliards FCFA, soit une augmentation de 77%.
Qu’à cela ne tienne. Du côté de Lomé, les craintes suscitées par la chute de la monnaie européenne, et par ricochet du CFA, sont tempérées. On semble beaucoup plus serein face aux « impacts limités » que pourrait avoir cette situation.
« Au vu de la composition de l’encours, la dette publique est moins exposée au risque de taux de change. En effet, il est composé de 71,16% de dettes libellées en FCFA et de 10,69% de dette en Euro, soit 81,85% de dette non fluctuante et 18,15% de dette fluctuante », rassure le gouvernement, dans un rapport qui couvre le premier trimestre 2022.
Plus de 50 milliards FCFA pour couvrir les variations de change et autres
Un autre document couvrant l’année 2021 montre toutefois que l’an dernier, les pertes liées aux variations de taux de change et autres ajustements ont coûté au gouvernement l’équivalent de 41 milliards FCFA sur les 12 mois. Et que cette ardoise est déjà évaluée à 10,5 milliards FCFA, ne serait-ce que pour le 1er trimestre de cette année 2022. Des écarts enregistrés essentiellement sur les opérations libellées en Renminbi chinois et en dollar américain.
Ce qui pousse d’ailleurs l’exécutif togolais à reconnaître que « le portefeuille de la dette extérieure (35,53% de la dette totale) est tout de même influencé par les fluctuations de certaines devises majeures dont les proportions sont : 18,19% pour le dollar US et 16,32% pour le yuan renminbi (CNY) ».
Ainsi, ajoute-t-on, comme pour rasséréner : « On note une proportion non négligeable de la dette extérieure libellée en Euro (30,07%) qui est une devise non fluctuante vis-à-vis du FCFA ».
La chute continue de l’euro depuis le début de la crise russo-ukrainienne et ses retombées sur l’Afrique, ont, ces dernières semaines, remis sur la table les grands débats sur la souveraineté monétaire dans une zone franc, frappée de plein fouet par la flambée des prix des produits alimentaires, et plus que jamais à la recherche d’un nouveau souffle.
Fiacre E. Kakpo